« I’m not Giselle Carter » : Beyoncé est morte, vive Beyoncé !

En ouverture de saison du Théâtre La Vignette à Montpellier, le collectif BallePerdue a choisi pour terrain de jeu le campus de l'Université Paul Valéry. Accompagnée depuis plusieurs années par L'Atelline, la compagnie a proposé, pour la dernière fois de la saison, son spectacle / performance intitulé I'm not Giselle Carter.

Peter Avondo  - Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
4 mn de lecture

L’expérience aurait pu commencer comme une scène de vie quotidienne dans n’importe quelle ville du monde tel que nous le connaissons. Ji In, jeune adulte bien ancrée dans son propre univers, arpente les allées du campus avec une énergie que lui insuffle le casque qui lui recouvre les oreilles en lui diffusant ses titres préférés de RnB. Elle se balade en dansant et qu’importent les regards portés sur elle, qu’elle renvoie d’ailleurs avec un large un sourire, tant que le monde qu’elle a imaginé se tient, tant qu’il existe.

Une musique que l’on écoute en solitaire, le reflet de la lumière bleue des écrans sur nos visages, l’addiction à nos réseaux sociaux qui maintiennent un lien virtuel avec ceux que nous croyons aimer… Tout tourne rond dans cette vision d’une société moderne qui n’a rien d’étranger. Pourtant, nous n’y sommes maîtres de rien. Et quand la radio annonce la mort de Beyoncé, c’est tout cet amalgame de symboles, de garde-fous, de carapaces, qui est remis en question.

En prenant un tel événement comme déclencheur d’une introspection générationnelle, le Collectif BallePerdue propose à une certaine jeunesse le constat de sa propre condition, bâtie sur des icônes modernes. L’écriture et la mise en scène s’interrogent sur la manière dont la disparition de l’une des plus grandes idoles de notre temps impacte le sens que l’on donne à notre propre existence. Une vie construite autour d’une image qui, du jour au lendemain, s’efface laissant derrière elle la nécessité de se déconstruire pour mieux se reconstruire, la nécessité du deuil.

C’est un constat immersif qui est proposé ici par le Collectif BallePerdue, une petite épopée à travers le paysage urbain dans lequel prend vie cette génération désabusée. Des décors dignes d’un clip musical des années 90, reproduit sans les caméras, comme un monde parallèle habité par des êtres qui semblent refuser d’en partir. Coincés ici, coincés maintenant, par un désir de faire vivre encore une époque qui a fui depuis longtemps.


Le texte qui accompagne les performances est affûté. Simple, parfois sans verbe, telles des pensées jetées ici et là qui dépeignent pourtant tout un état d’esprit. Les mots sont dits avec passion et sans violence, en dépit de leur sens souvent lourd, quand le non-dit prend la dimension d’un manifeste.

Avec I’m not Giselle Carter, le Collectif BallePerdue redessine un lieu et en fait le théâtre d’une expérience hors du temps et universelle. Car, au fond, cette génération n’est pas vraiment différente de celles d’avant ou de celles qui viennent. Le refuge de l’icône que l’on croit éternelle est un leitmotiv de notre nature profonde. Seuls changent les noms et les décors. L’écho, lui, demeure.

MISE EN SCENE
MARLENE LLOP, COLLECTIF BALLEPERDUE
ECRITURE
MANU BERK
MUSIQUE ET CREATION SONORE
ARTHUR DAYGUE
VOIX ET CHANT
PINA WOOD
DANSE
JI IN GOOK
INSTALLATION, JEU ET VIDEO
JEROME COFFY
INSTALLATION, JEU ET LUMIERES
LAURIE FOUVET

Peter Avondo

Issu du théâtre et du spectacle vivant, Peter Avondo collabore à la création du magazine Snobinart et se spécialise dans la critique de spectacle vivant. Il intègre en mars 2023 le Syndicat Professionnel de la Critique Théâtre Musique Danse.

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Par Peter Avondo Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
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