Vous venez de sortir un livre Anatomie d’un cœur sauvage (Editions Hors Collection) dans lequel vous racontez votre existence mais aussi vos traumatismes. Est-ce que le fait d’écrire un livre vous a aidé ? Le cinéma et la musique ont-ils aussi cet effet réparateur ?
Oui mon psychologue m’a dit d’écrire un livre, que ça allait m’aider. La créativité en général à un côté bénéfique. Pour tout le monde d’ailleurs, pas seulement pour les artistes. Créer quelque chose… Ou même de faire son lit le matin ça aide ! Faire des choses, peu importe ce que c’est, ça aide, ça nous empêche de rester dans notre tête. Tout le monde peut être créatif et pas seulement dans l’art. Cela peut-être prendre soin de quelqu’un, de s’occuper de son chat… c’est une façon de sortir de nous-mêmes. C’est ça qui aide, c’est une sorte d’exercice méditatif qui aide à aller mieux. Bien sûr, écrire et faire des films c’est un autre niveau. Pour moi, l’expérience commune de réaliser un film avec les autres m’aide vraiment. Il faut que chacun trouve chaque jour la possibilité d’être créatif et d’être en contact avec un autre soi-même.
Depuis quelques années le cinéma est en véritable mutation dans la manière dont on aborde les films, la façon dont on les écrit, les réalise mais aussi la façon dont on les diffuse. Comment voyez-vous le futur du cinéma ?
Je ne veux pas dire une bêtise, mais je le vois avec mes enfants… Malheureusement je vois qu’en Italie les salles ne passent que des grands films, des films comme « Dune ». Les jeunes ne veulent voir que des films comme ça qui coûtent beaucoup. Les films d’auteurs ne sont diffusés peut-être que deux semaines et après ils passent dans les plateformes. Cela fait du mal, mais en même temps c’est un peu comme l’Eglise. Il y a l’expérience communale des gens qui sont assis dans une salle de cinéma. Les chrétiens sont nostalgiques de l’église avec plein de monde qui font la prière ensemble. Et maintenant les églises sont vides, il n’y a que les vieux qui vont à l’église et c’est un peu la même chose avec le cinéma. Quand j’étais jeune, j’allais voir un film et le revoyais quatre, cinq, dix fois ! On a de la nostalgie de nos expériences. Après je me rappelle aussi de l’apparition des VHS, des DVD, et le problème de voir un film grand dans une petite télé, même si maintenant les télés sont en train de grandir. C’est une expérience différente, mais il ne faut pas être triste parce que tout est en évolution. Nous avons la nostalgie des choses que nous connaissons, mais il faut être capable d’accepter cette évolution. Il faut s’adapter aux changements.
Certains anciens films sont censurés ou pointés de doigt car ils sont jugés racistes comme les classiques Disney ou Autant en emporte le vent… Quel est votre regard sur cette censure actuelle ?
Ce sont des choses qui arrivent surtout aux Etats-Unis. C’est vrai qu’il y a ce faux moralisme qui arrive et qui fait peur. C’est comme une vague, comme une spirale. On pense avoir fait deux pas en avant avec #MeToo pour la condition de la femme au cinéma, mais après on fait trois pas en arrière. L’histoire de l’humanité n’est pas une ligne directe, il y a toujours quelque chose que l’on n’a pas appris, et on doit apprendre à nouveau. Je ne suis pas pour cette révision du passé pour une raison simple : on ne peut pas changer ce qu’il s’est passé. On peut changer ce qu’on est aujourd’hui, mais on ne peut pas changer le passé, ni celui du cinéma. C’est l’histoire de l’humanité qu’on ne peut pas révisionner. On peut essayer de faire de notre mieux aujourd’hui, mais vouloir transformer le passé, c’est ridicule.
Vous avez tourné dans un film français cette année ?
Oui, j’ai tourné un film français de Jérôme Dassier en avril dernier qui s’appelle Seule. C’est un film d’espionnage et d’action qui est intéressant car je suis seule dans le film pendant plus de 90 pourcents du temps. C’est une structure intéressante et c’est mon premier film en tant qu’actrice principale depuis très longtemps. J’ai adoré le tourner et ça m’a redonné envie de jouer dans des films.
Vous produisez également le film de votre père, le maître de l’horreur Dario Argento qui s’intitulera Occhiali neri…
Oui c’était un scénario qu’il avait écrit dans les années 1990. Il l’avait oublié parce qu’il y avait eu un producteur qui avait acheté les droits, puis ils ont eu des problèmes… il ne pouvait plus le faire. Et puis quelques fois quand on tourne beaucoup de films on oublie… Je me suis souvenu de ce film-là, j’ai demandé à mon père s’il avait encore le scénario et il avait encore une copie en papier. Dans les années 1990 on n’avait pas encore le cloud… Heureusement qu’il avait cette copie. On l’a relu, on a trouvé le scénario génial et je l’ai aidé à trouver le financement. Je suis donc productrice et j’ai joué un petit rôle dedans. A l’origine le film était écrit pour moi, mais j’étais plus jeune dans les années 1990, alors il y a une jeune actrice qui joue le premier rôle. J’étais très heureuse de voir mon père avec cet amour pour le cinéma qui se renouvelle. Il était comme un gamin, il a beaucoup d’amour, de gratitude d’être sur un plateau. C’est toute sa vie. Il avait pris une petite pause, mais là j’ai vu le film et c’est un de ses meilleurs depuis longtemps. Il était très inspiré pendant le tournage. J’étais là tout le temps avec lui, c’était magique pour moi de le voir comme ça à 81 ans. Il était le plus fort de l’équipe, le plus inspiré, le plus heureux de tous… Et puis toute l’équipe était très heureuse aussi de travailler avec lui. Tout le monde était amoureux de son amour du cinéma.
Recueilli par Thibault Loucheux