Parlez-nous un peu de votre démarche artistique. Vous avez expérimenté plusieurs modes d’expression, la sculpture, la peinture, le design…
Je travaille surtout sur le corps, sur le mouvement, dans un esprit de simplification du figuratif. Pendant longtemps, j’ai fait des sculptures très en rondeur avec une taille directe dans la pierre. Petit à petit, j’ai aussi travaillé la résine… J’aime beaucoup expérimenter de nouvelles technologies. J’ai réalisé, il y a quelque temps, une sculpture qui avait la propriété de se transformer. C’était un portrait de Marilyn Monroe que j’avais présenté au salon Art Montpellier. On y voyait apparaître progressivement sur la sculpture le squelette de Marilyn. Je pars souvent d’œuvres célèbres, aussi, comme Le Penseur de Rodin ou la Venus de Milo. Je fais des sculptures-silhouettes, comme je les appelle. Je découpe dans le métal des espaces qui donnent une lecture, mais en regardant l’œuvre dans sa globalité. Je crée des pleins et des vides qui donnent, après, à voir la silhouette… Le Baiser de Rodin, c’était un peu particulier, par exemple. Parce qu’il y avait deux personnages et il fallait qu’on comprenne l’enlacement des deux personnages juste avec quelques indications. L’idée c’est d’en dire le moins possible et que ce soit notre mémoire qui comble les manques. Je réalise aussi des dessins sculptés dans une matière un peu particulière qui est le placoplâtre. Je dessine sur le support en papier et je sculpte la partie plâtre… je vous montrerai, c’est plus parlant (rire).
Cette année, vous avez inauguré les portraits de Molière et Boby Lapointe à Pézenas…
Les portraits en découpe sont vraiment quelque chose d’un peu à part et tout nouveau de mon travail. J’avais travaillé sur le portrait de Molière il y a longtemps pour une exposition à Pézenas. Suite à ça, j’ai rencontré la nouvelle municipalité, je leur ai présenté ce que j’avais fait sur Molière et c’est là que j’ai appris qu’il allait y avoir ce 400e anniversaire. Donc j’ai retravaillé d’après ce que j’avais réalisé à l’époque pour faire une sculpture, cette fois monumentale. On m’a parlé aussi de l’anniversaire de Boby Lapointe, et j’ai réalisé son portrait dans la foulée.
Ces sculptures sont appelées à rester là pendant des années, des décennies… Vous y pensez ?
Oui c’est vrai… J’y pense sans y penser. J’ai été vraiment très heureuse et très touchée de pouvoir réaliser ces deux portraits. C’est un anniversaire historique. C’est après que je me suis dit « ah mais oui ça risque de durer » (rire). Oui, ça me fait plaisir de me dire qu’il va rester une trace de ce travail pendant longtemps et que peut-être les générations futures vont être amenées à les découvrir.
Vous aviez déjà répondu à des commandes pour des institutions, des remises de prix… C’est quelque chose qui vous plaît ?
Oui je travaille assez régulièrement avec des collectivités locales. Cela fait 33 ans que je suis inscrite à la Maison des Artistes et que je vis de mon travail. J’ai fait des trophées pour le Ministère du Tourisme, pour le fleurissement national, pour le PMU… Avec les collectivités locales, j’ai des sculptures en pierre qui ont été réalisées dans différentes villes… C’est un challenge pour moi, parce que c’est plus compliqué de garder son propre style tout en satisfaisant, sans pour autant être pieds et poings liés, l’attente d’un client, qu’il soit une collectivité locale ou autre. À une époque de ma carrière, j’ai travaillé dans le domaine du design, notamment pour les arts de la table avec une entreprise américaine ou pour Guy Degrenne pour qui j’ai fait un couvert de table. J’avais des cahiers des charges, j’ai aussi cette habitude-là. Finalement, ça ne me déplait pas. Justement, j’ai parfois l’impression que je n’aurais pas fait certaines choses s’il n’y avait pas eu ces commandes. Je n’aurais pas été explorer de nouvelles matières. Il y a tout un tas de choses qu’on apprend ou pas, mais qu’il va falloir mettre au point… C’est à chaque fois un petit peu sportif mais c’est un plaisir.
En parallèle, vous avez votre atelier d’artiste à Agde avec la Galerie de la Perle Noire…
Je me suis installée à Agde en 2014 un peu par hasard. J’avais rencontré l’adjointe à la culture de l’époque, je lui avais présenté une petite maquette d’une Marianne contemporaine que j’avais réalisée. Elle a vraiment apprécié, elle m’a dit « Il nous la faut, on vient de terminer le hall de la mairie. Vous me la faites en grand ! ». C’était une Marianne en mouvement, dynamique, inspirée de La Liberté guidant le peuple de Delacroix. Dans le même temps, j’avais réalisé une autre Marianne pour la mairie de Vergèze et je me suis dit « Pourquoi pas avoir un atelier dans le sud ? ». On m’a proposé un atelier dans le cœur de ville à condition que je joue le jeu, qu’il soit ouvert au public. C’était un peu différent pour moi, je n’avais pas l’habitude de travailler devant les visiteurs ou de recevoir du public. Au départ ça m’a un peu perturbée, il y avait des choses que je n’arrivais pas à travailler avec des gens qui venaient. Petit à petit, j’ai apprécié d’avoir le retour de mes clients sur le travail que je présentais, d’avoir cet échange avec eux. Quand on travaille avec des galeries, on n’a jamais le client final, alors que là il y a un vrai échange et une vraie complicité qui se crée.
Cette nouvelle expérience a-t-elle modifié votre regard d’artiste ?
Le fait d’avoir changé d’endroit, de région, ça m’a donné envie de faire de nouvelles démarches, comme un renouveau… Je ne sais pas comment l’expliquer. Quand on est dans une région depuis longtemps, on se dit qu’on a peut-être tout fait. Alors que là on arrive, on ne connaît personne, il faut aller se présenter parce que les gens ne vont pas venir vous chercher… Et finalement, j’aime bien aussi ce côté là, ça nourrit ma création de rencontrer des personnes qui vont me parler de leurs envies, de leurs besoins d’avoir telle ou telle œuvre… Bien sûr, je ne fais pas que ça. J’ai beaucoup d’œuvres que je crée en totale liberté. Mais il y en a certaines pour lesquelles je réponds un peu à une attente.
Recueilli par Peter Avondo