Guillaume Leclere : « Il faut pouvoir s’émouvoir de ce qui nous entoure »

Le chef Guillaume Leclere a ouvert son nouveau restaurant rue André Michel le 28 juin. Fils d'agriculteur, il s'est fait un nom grâce à une cuisine sincère basé sur le respect du produit. Il y a un peu plus d'un an, il a décroché sa première étoile au guide Michelin, récompensant sa cuisine singulière et six années de travail. Avec ce nouveau restaurant, il souhaite avoir une nouvelle envergure et atteindre de nouveaux objectifs pour proposer aux clients une expérience inoubliable.

Thibault Loucheux-Legendre  - Rédacteur en chef / Critique d'art
8 mn de lecture
Photo : Peter Avondo / Snobinart

Est-ce que vous pouvez nous raconter votre parcours ?

Je suis né en 1983 à Reims. Je suis arrivé à Montpellier en 2003 où j’ai rencontré Gérard Cabiron qui était meilleur ouvrier de France. Je suis resté quatre ans chez lui avant qu’il me conseille de faire les grandes maisons. J’ai alors trouvé une place dans la brigade de Marc Veyrat à Annecy. Je découvre une cuisine d’auteur, un chef visionnaire avec une grosse identité culinaire avec des plantes sauvages, très végétale… je suis fils d’agriculteur donc il y a beaucoup de choses qui me tenaient à cœur, les produits de la terre, la nature… Le fait d’avoir rencontré ce genre de personnage ça m’a confirmé que je pouvais m’épanouir dans ce métier-là, avec mes valeurs et mes souvenirs d’enfance. Quatre ans plus tard je reviens à Montpellier chez Anne Majourel, avec une cuisine d’auteur, féminine, avec des produits de saison… Elle déménage à Sète où elle travaille les produits de la mer et décroche une étoile Michelin.

Vous avez ouvert un premier restaurant dans lequel vous avez pu exprimer votre cuisine…

Oui en 2015 je m’installe à Montpellier dans mon ancien local rue de la Valfere. Le succès est fulgurant tout de suite alors que je ne m’y attendais pas vraiment… On voulait faire une cuisine de marché, simple, accessible et lisible. Je voulais que les clients puissent reconnaître les produits qu’on travaille, mais il fallait y mettre de la fraîcheur, sans trop de transformations. A Montpellier ça manquait de jeunes qui s’installaient à Montpellier et je crois que je suis arrivé au bon endroit au bon moment. J’y suis resté sept ans, et pendant ces sept années on a rempli à cent pourcents. Cela m’a appris à gérer la cuisine, mais aussi la gestion d’équipe et d’un restaurant. Comment capter une clientèle, comment se construire un nom… 


Le 18 janvier 2021 vous décrochez votre première étoile, qu’avez-vous ressentie ?

Les étoiles Michelin, tant qu’on n’en a pas, on n’en veut pas. Mais après quand on en a une, on ne veut pas la perdre (rire). Il y a quand même de la fierté quand on la reçoit. On fait partie des six cents tables en France qui sont récompensées sur des milliers de points de restauration. Au départ, quand je me suis lancé sur Montpellier, je ne voulais pas en entendre parler des étoiles Michelin. Je vois certains chefs avec des coups de folie, ils ne maîtrisent plus la machine qu’ils ont mis en marche. Médiatiquement ils sont totalement dépassés, il faut rajouter les équipes, le travail, la pression… Tout ça sur les épaules d’un seul homme je trouve que c’est beaucoup. Je voulais vraiment faire ce métier dans les conditions qui me plaisent. Et donc en 2021, un lundi midi, je vais récupérer mes enfants à l’école, je leur fais à manger et mon téléphone a reçu une cinquantaine de messages en trente secondes (rire). J’ai compris que c’était le guide Michelin. Au départ je n’y ai pas cru, alors je suis allé sur la page Facebook du guide Michelin et je me suis mis à pleurer. C’est vraiment une récompense du travail, on fait des journées de fou… On se dit que le restaurant est complet tout le temps, que le Michelin nous accorde une étoile… Le pari est réussi ! Même si on a encore du travail à faire, on voit aussi le travail accompli après six ans d’existence.

Photo : Peter Avondo / Snobinart

Vous vous êtes lancé dans un nouveau projet avec l’ouverture d’un nouveau restaurant. Pouvez-vous nous raconter cette nouvelle aventure ?

A la fin du deuxième confinement, j’ai pensé à déménager. On avait trop de potentiel pour poursuivre dans cinquante mètres carrés. Il y avait cette frustration mais aussi de nombreuses envies. Donc j’ai pris l’initiative de mettre en vente le fonds de commerce, je sentais que c’était le moment. En un mois j’ai vendu l’ancien local et trouvé le nouveau rue André Michel. Je voulais rester en ville, je sentais que j’avais encore des choses à faire dans l’écusson de Montpellier. Partir au bout de sept ans comme ça du jour au lendemain après les deux années de Covid, j’aurai eu la sensation de ne pas faire les choses jusqu’au bout. Je voulais rester en ville en trouvant une rue qui était à la fois à l’écart de la folie montpelliéraine mais être dans un beau quartier et dans un bel immeuble avec une superficie de 150 – 200 mètres carrés avec une cave. Le seul point négatif c’était qu’il n’y avait pas de terrasse et peu d’ouvertures sur l’extérieur. Mais la plupart des points étaient respectés et tout s’est validé en quelques semaines, on a démarré les travaux en décembre et nous avons ouvert le 28 juin. La cuisine sera centrée sur le produit, son respect sans trop de transformation, sa saisonnalité, la fraîcheur… Il faut que ça reste lisible pour que les gens sachent ce qu’ils mangent. Aujourd’hui il faut qu’on aille plus loin dans la recherche du goût. On doit faire des associations plus poussées sans tomber dans le sensationnel pour autant. 

Quelles sont vos inspirations au quotidien ?

J’aime beaucoup la photo. Mais je dirai la nature en général. Je suis fils d’agriculteur et j’ai passé beaucoup de temps en extérieur. C’est certainement pour ça que j’ai ce respect du produit. On était une famille nombreuse donc ma mère cuisinait beaucoup et j’ai été baigné là-dedans. C’est ce qui m’inspire et me ressource. Je peux rester des heures à contempler le ciel… la forêt… Il faut pouvoir s’émouvoir de ce qui nous entoure. En cuisine je fonctionne un peu comme ça aussi. Je ne veux pas aller chercher des fraises en Espagne parce que j’ai des fraises à la carte. C’est le contraire, c’est le producteur de Mauguio qui me dit qu’il a des super fraises qu’on met des fraises à la carte. 

Votre plat préféré ?

Difficile (rire)… Il y a un souvenir d’enfance que j’adore, les légumes farcis. Ma mère faisait ça beaucoup, ma femme le fait aussi maintenant. Quand je passe la porte je reconnais l’odeur et je peux avoir passé une journée pourrie, ça me redonne le sourire. Je ne le ferai pas au restaurant parce qu’on ne fait pas de plats traditionnels, mais à la maison c’est légumes farcis ! (rire).

Photo : Peter Avondo / Snobinart
Thibault Loucheux-Legendre

Après avoir étudié l'histoire et le cinéma, Thibault Loucheux-Legendre a travaillé au sein de différentes rédactions avant de lancer Snobinart et de se spécialiser dans la critique d'art contemporain. Il est également l'auteur de plusieurs romans.

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Par Thibault Loucheux-Legendre Rédacteur en chef / Critique d'art
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