Jordan Yuste a été connu du grand public grâce à la onzième édition de Top Chef. Durant cette « saison de l’audace », le chef sétois était dans la brigade du chef Michel Sarran. Son parcours atypique, son expérience Top Chef, son restaurant L’Arrivage à Sète, son équipe, la crise sanitaire, ses inquiétudes… Jordan Yuste nous dit tout dans ce grand entretien.
Le grand public vous a connu grâce à Top Chef (diffusé sur M6), pouvez-vous nous parler de votre parcours avant l’émission ?
J’ai un parcours assez atypique parce que je suis arrivé à la cuisine assez tard. J’ai fait un CAP accéléré en six mois, avant de me former au restaurant Côté Mas à Montagnac où je suis devenu chef. A l’époque il y avait Jérôme Nutile qui est chef étoilé et meilleur ouvrier de France. Et le 21 avril 2017 j’ai ouvert mon restaurant L’Arrivage à Sète. Je voulais être près des Halles de Sète pour choisir mes produits, travailler avec de la qualité et proposer le meilleur aux clients. Puis j’ai été élu jeune talent par un grand guide culinaire, ce qui m’a propulsé en matière de crédibilité et on m’a proposé Top Chef.
Top Chef justement, qu’est-ce que cette expérience vous a apporté ?
Top Chef c’est une expérience formidable… C’est l’opportunité d’être jugé par des grands chefs étoilés, l’opportunité d’avoir énormément de visibilité aussi.
Alors que je regarde Top Chef depuis la première saison, j’ai eu l’impression que cette année c’était la première fois que vous étiez vraiment une bande de potes ?
C’est vrai et ce n’est pas la première fois qu’on nous le dit. C’est vraiment la première année qu’il y a un noyau de 7-8 candidats. Encore aujourd’hui, on s’appelle tous les jours, on se voit… Avant le premier confinement on a fait une cession à L’Arrivage, certains sont venus après. On n’a pas pris Top Chef comme une compétition entre nous, mais plus comme une compétition envers nous-mêmes. Il y a eu une véritable entraide, une camaraderie qui dure encore aujourd’hui. Ça a été un partenariat qui a marché ! Sans Top Chef j’aurai jamais pu rencontrer Gracien, Mory, Hadrien, Justine… Cette saison a été marquée par les rencontres et l’entraide.
Vous avez deux restaurants à Sète : L’Arrivage et le French Farmer. Parlez-vous de leurs concepts.
L’Arrivage est donc ouvert depuis 2017, c’est un restaurant dans lequel nous proposons une cuisine créative avec des produits frais, de saison, avec du vin naturel. Les menus évoluent selon les arrivages et sont à l’aveugle. Le French Farmer c’est un peu l’annexe de L’Arrivage. On y propose de la Street food. C’est une sandwicherie, comme pour le restaurant on fait tout nous-mêmes.
Les restaurateurs ont été le symbole de ceux qui ont dû s’adapter au jour le jour aux décisions prises pour lutter contre le virus… pour finalement fermer. Comment vous avez pu vous adapter à cette situation et comment jugez-vous cette gestion de la crise par le gouvernement ?
Dès le premier confinement on a du réagir. Pour le French Farmer c’était plus simple, on a pu faire du « à emporter ». En six mois on a respecté les règles sanitaires, avec le gel hydroalcoolique, on a enlevé des tables… De base dans ce travail on se doit de respecter des règles sanitaires et d’hygiène strictes, mais là c’était encore plus. Il ne faut pas se voiler la face, on a vraiment l’impression de ne pas avoir été soutenu. On ne sait pas où on va, on est dans une incertitude totale. Je pense que plus on nous empêche de travailler, plus ça va être compliqué. Il n’y a pas assez d’aides, le chômage partiel ne rattrapera jamais les pertes que nous avons connues. Moi je suis jeune patron, on a des emprunts et la trésorerie n’est pas sans fin. On peut trouver des solutions comme les plats à emporter, pour l’instant ça nous fait survivre, mais pas vivre. J’espère que le gouvernement va prendre en compte tout ce qu’on a perdu.
Quel message positif tu aurais envie de transmettre à un jeune qui aimerait se lancer dans ce beau métier ?
C’est un métier qui a besoin des jeunes. Dans mon équipe ils ont 20 ans de moyenne d’âge. Je leur dirais que c’est un formidable métier, un métier passion. C’est dur, on fait des journées de 17 heures, on commence à 8 heures et on termine à minuit. Mais on est guidé par la passion. C’est un métier qui fait oublier les problèmes, on est là pour émerveiller les papilles. Il faut garder l’espoir que tout va s’arranger et qu’on va s’en sortir.
Recueilli par Thibault Loucheux
(Photo : Jordan Yuste crédit agence Imajor)