« La Corde » au Théâtre Marigny

Le Studio Marigny et Guy-Pierre Couleau nous invitent à travers l’adaptation de la pièce de Patrick Hamilton à une « Murder party » diaboliquement efficace et réjouissante.

Virginie Dewees
Virginie Dewees
3 mn de lecture

Ancré dans les mémoires grâce à la version brillante d’Alfred Hitchcock, ce huis-clos nous convie, entre les draperies luxueuses et moirées d’un appartement bourgeois des années cinquante, à la fête précédant le déménagement pour la Suisse de ses deux jeunes occupants. Seulement, en recherche d’adrénaline et du parachèvement d’un « Grand œuvre », les deux amis singulièrement fusionnels tendent un piège à un ancien camarade de classe, l’assassine dans un tableau digne du Greco, puis cache le corps dans un coffre au milieu du salon sur lequel ils dressent la table. Avec l’accueil d’une poignée d’invités choisis avec soin et pour le moins hétéroclites, commence alors un jeu machiavélique et pervers sous les yeux d’un public presque complice, un numéro d’équilibriste sur corde raide ou la moindre erreur mène à la chute, avec une seule règle : ne pas se faire démasquer.

L’ivresse dorée d’un crime parfait

Avec un humour noir parfaitement calibré entre les silences et les éclats des protagonistes, cette comédie policière haletante nous campe des personnages archétypes : le jeune bourgeois, séduisant mégalomane convaincu de sa suprématie, l’ami complice soudain pris de panique, la mère convaincue de la perfection de son fils, la jeune femme, veuve du défunt qui s’ignore, séduisante et fantasque, le voisin prolétaire et naïf, le professeur flegmatique et observateur.

Tous, savoureux et nuancés, font écho à l’intrigue, qui tout en jouant avec les topos du genre, nous surprend toujours par l’originalité et la profondeur de ses résolutions.

Le jeu d’acteur est aussi dynamique que fin et entre les lignes de deux répliques piquantes, le mouvement des corps et les regards échangés nous parlent en silence d’ivresse, de fragilité, d’ambivalence et de sensualité ; le tout renforcé par une mise en scène efficace qui laisse le temps de s’immerger sur fond de jazz dans l’atmosphère paradoxalement très esthétique de cette petite sauterie macabre.

Les folies d’une jeunesse oisive et dévoyée dessinent alors le péché d’orgueil d’une élite intellectuelle qui par son pouvoir croit toucher à l’impunité morale et résonnent de manière très contemporaine.

Un thriller beau, drôle et prenant où les vices des personnages se savourent comme des friandises.

« La Corde » (1h40)
d’après la pièce « Rope » de Patrick Hamilton
Création Studio Marigny
à partir du 24 septembre 2025
Du mercredi au samedi à 21h, Les dimanches à 15h

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virginie.dewees@snobinart.fr
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