Cela faisait trente ans que Jean Genet n’avait pas publié de nouvelle pièce de théâtre… Et pour cause, il n’est plus de ce monde depuis 1986 ! Ce qui ne l’a pourtant pas empêché d’être édité à titre posthume par L’Arbalète à plusieurs reprises, avec Elle, Splendid’s ou Le Bagne, respectivement en 1989, 1993 et 1994. C’est donc bien trente ans après sa dernière publication que Jean Genet est de retour dans les librairies avec une pièce inédite, intitulée Héliogabale. Dans cette pièce, écrite lors d’un de ses nombreux séjours en prison – à Fresnes, plus précisément, nous dit-on –, Genet s’intéresse à un pan méconnu de l’histoire antique romaine.
En prenant pour cadre le récit de la chute de Varius Héliogabale, l’auteur trouve surtout un prétexte à poser les premiers jalons de son théâtre, lui qui n’a pas encore été publié au moment où il écrit ces lignes en 1942. Car les livres d’histoire se souviennent d’Héliogabale comme d’un empereur défiant les mœurs et choquant la société, un personnage entouré d’un certain mysticisme entre le monde des humains et celui des dieux. Pour Genet, qui se retrouve emprisonné pour vol de livres et dont l’œuvre nous apprendra plus tard le goût pour la transgression et la mise à bas des masques, Héliogabale a tout d’une évidence.
Et c’est bien ce qui ressort à la lecture de cette pièce. Tout le théâtre de Genet est déjà là, avec notamment cette ambivalence si caractéristique quant au choix de certains mots, de certaines images, qui ne va pas sans une double interprétation. Déjà l’âme de Genet n’a rien de lisse, lui qui connaîtra toute sa carrière les scandales et les querelles. Mais outre la mise à mal du pouvoir et de ses symboles, Héliogabale fait aussi ressortir une grande sensibilité, parfois touchante et réjouissante, souvent violente et douloureuse. Genet sait si bien écrire le théâtre qu’une simple lecture de ses pièces en donnent souvent les images et les sons.
Héliogabale n’a pour l’heure pas officiellement trouvé de metteur en scène pour en porter une première version au plateau. La pièce devrait pourtant bel et bien être créée. Les recherches menées par François Rouget, qui a établi la version publiée par Gallimard, assure que Genet avait non seulement cherché à faire éditer sa pièce, mais également à la faire jouer. Dans le projet de l’auteur, c’était Jean Marais qui devait interpréter le rôle de Varius Héliogabale…