Certains artistes envisagent chaque projet comme une étape de travail à part entière. D’autres développent au fil de leurs créations ce qui finit par constituer une identité artistique propre. C’est le cas d’Adrien Béal, récemment nommé à la direction du Studio-Théâtre de Vitry, qui a passé ce mois d’avril au Théâtre des 13 vents. Déjà en phase avec le CDN de Montpellier – co-producteur de sa pièce itinérante Combats avec le TNS et le T2G en 2022 –, l’artiste y a présenté cette saison deux de ses créations : Les Pièces manquantes et Toute la vérité. L’occasion d’approcher dans son ensemble le travail qu’il mène depuis des années avec sa compagnie Théâtre Déplié.
Car il y a bien, dans le théâtre d’Adrien Béal, des éléments qui se répondent et s’alimentent. Dans une recherche de ce que les relations, quelles qu’elles soient, révèlent au plateau, le metteur en scène s’affaire à créer des espaces presque dénués de théâtralité. Dans Les Pièces manquantes comme dans Toute la vérité, deux créations identifiées comme collectives, la scénographie se pose en miroir de la pièce : brute, faite d’ordinaire et décomposée. Partant de cette apparente banalité déstructurée, qui renie toute notion de spectacle au profit d’une approche naturaliste, le Théâtre Déplié fait ressortir une probable humanité perdue entre légalité et légitimité, entre morale et fantasme, poussant à l’extrême des situations qui dépassent difficilement le cadre de l’intime.
Car il ne s’agit pas, pour Adrien Béal, de se poser en observateur d’une société à grande échelle. Ce qui semble l’intéresser, en revanche, c’est ce que les rapports intimes racontent sur nos identités, sur nos choix, sur nos actes et nos paroles. Hors de tout contexte de représentation, les situations qu’il met en scène sont de l’ordre du quotidien. Seul le fait qu’elles soient ici exposées sur scène les rend extra-ordinaires par l’intérêt qui leur est alors témoigné. Par le vocabulaire ordinaire qui compose les textes complétés des silences, des non-dits et des tabous, par les postures inconfortables de l’attente ou de l’hésitation, par l’improvisation qui rend parfois l’écriture inégale et incertaine, le Théâtre Déplié met à l’oeuvre une certaine forme de réel, celui que l’on ne voit que si on fait le choix de le regarder.