Samir Mougas et l’intelligence artificielle main dans la main

Le CACN propose une nouvelle exposition autour de la pratique artistique. L'artiste Samir Mougas a créé un dialogue avec l'intelligence artificielle dont il résulte des créations singulières et de nombreux questionnements...

Thibault Loucheux-Legendre
Thibault Loucheux-Legendre  - Rédacteur en chef / Critique d'art CACN
5 mn de lecture

Il faut dire que c’est un sujet qui est devenu incontournable dans le repas de famille… « et toi, tu es pour ou contre ? », « tu utilises Chat GPT ? », « C’est pratique, mais c’est dangereux… », « tu as vu que Chat GPT a eu 11 au bac de philo ? », « L’intelligence artificielle devient imbattable aux échecs… », « Il faut faire attention, même Elon Musk a mis en garde contre l’IA. »… Bref, chacun a son avis sur ce thème qui est arrivé soudainement dans les débats depuis quelques mois sans s’échapper. Bien entendu, le monde des arts s’est emparé de l’intelligence artificielle et je ne suis pas passé à côté de la nouvelle… Mais le côté « tendance » du sujet a éveillé mon esprit de contradiction et je n’ai pas encore pris la plume pour m’exprimer sur cela. De plus, chacun faisait son expérience de son côté et il était difficile de saisir une dynamique. Alors oui, certaines œuvres ont eu des prix, des IA pourraient écrire des nouveaux livres de Victor Hugo ou Marcel Proust… Mais les faussaires et les imitateurs n’ont pas attendu l’intelligence artificielle pour pratiquer et ils se ramassaient déjà à la pelle avant son existence. Là où beaucoup ont parlé d’injustice, nous devrions plutôt placer le curseur sur la question de la légitimité et de la responsabilité du créateur… D’autant qu’il n’est pas interdit pour un artiste d’utiliser cet outil.

C’est le cas de Samir Mougas qui propose une exposition au CACN qui s’intitule Intelligences ambiantes. Né en 1980 et vivant à Paris, l’artiste est représenté par la Galerie Eric Mouchet qui nous explique sa démarche : « Sa pratique de la sculpture explore un vaste champ d’expérimentation esthétique qui oscille entre l’utilisation de formes inventées et l’utilisation de formes empruntées. En s’appropriant un vocabulaire formel large qui se réfère tout autant à la biodiversité qu’à la sculpture contemporaine ou au design, les œuvres qu’il réalise s’envisagent dans un paradoxe : résister à la séduction qu’elles opèrent pour ouvrir largement les possibilités d’interprétation. » Pour Intelligences ambiantes, Samir Mougas a travaillé « main dans la main » avec l’intelligence artificielle. L’artiste a tapé des mots clés afin que la machine lui fasse des propositions. L’outil cherchait alors dans une vaste banque d’images ce qui correspondait le plus précisément à sa demande. Enfin, Samir Mougas repensait ces propositions en créant les pièces dans son atelier.

Tableau de Samir Mougas – Photo : Thibault Loucheux / Snobinart

Je dois avouer que cette démarche m’a plu. Samir Mougas ne s’est pas jeté sur la première application venue pour expérimenter. Il a théorisé son procédé, réfléchissant à la fois sur sa pratique, sur l’intelligence artificielle et sur les rapports que l’homme et l’art peuvent entretenir avec elle. Cette absence de jugement et cette manière de ne pas opposer l’humain à la machine attisent déjà la curiosité. Bertrand Riou nous en dit plus : « Malgré l’euphorie, car l’humanoïde penserait parfois l’impensable, c’est en premier lieu l’imaginaire qui est au pouvoir. Un supplément d’âme, dirait-on. Cette collaboration démontre que le processus ne les met pas dos à dos, ce qui nous pousse encore et encore à nous interroger. Combien de temps avant que les choses basculent inexorablement et que l’obsolescence humaine advienne au profit d’une intelligence créative surhumaine ? Peut-être jamais, peut-être demain. Par anticipation, une communauté artistique grandissante s’empare de ce mythe. Samir lui a emboité le pas. Ce qui est passionnant c’est l’apprentissage qu’il en fait. Un regard neuf, aiguisé. » Il résulte de cette atypique collaboration des sculptures colorées sur papier peint gris métallisé dont l’esthétique affirme à la fois un côté futuriste dans sa forme et artisanal dans sa matière. Des objets passionnants ouvrant un champ de questions.

Le CACN propose également aux visiteurs de découvrir les travaux antérieurs de Samir Mougas tels que des tableaux, sculptures… L’artiste a toujours été à la recherche de nouvelles pratiques, lui qui a déjà exploré l’assemblage, le moulage, le modelage, la résine, la céramique, la fonte d’aluminium laquée et même le vernis automobile…

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Par Thibault Loucheux-Legendre Rédacteur en chef / Critique d'art
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Après avoir étudié l'histoire et le cinéma, Thibault Loucheux-Legendre a travaillé au sein de différentes rédactions avant de lancer Snobinart et de se spécialiser dans la critique d'art contemporain. Il est également l'auteur de plusieurs romans. 06 71 06 16 43 / thibault.loucheux@snobinart.fr
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