Rencontre avec Damien Robert, metteur en scène de « Climat »

Damien Robert n’en est pas à son coup d’essai avec avec l’Opéra de Montpellier, qui accueille le metteur en scène au mois de mars pour une création intitulée Climat, une pièce qui met en lumière la prise de conscience et le passage à l’action climatique de toute une génération. Pour cette nouvelle expérience, c’est Opéra Junior qui a été mis à contribution. Ce programme, qui permet depuis plus de trente ans d’ouvrir l’opéra aux plus jeunes, trouve ici un écho des plus pertinents...

Peter Avondo
Peter Avondo  - Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
6 mn de lecture

En quelques mots, que raconte Climat ?

C’est l’histoire de Juliette et de sa mère Alice, qui vivent toutes seules dans un pavillon en banlieue d’une ville. Alice travaille dans une usine de peinture industrielle, Juliette va au lycée. Un jour, en revenant du lycée, elle rencontre des manifestants, ceux qu’on appelait les décrocheurs, en 2018, qui se rendaient dans les mairies pour décrocher les portraits d’Emmanuel Macron. Deux de ces manifestants se détachent du cortège pour venir parler à Juliette, et de cet échange naît une angoisse chez elle. Elle se dit « Tout ce que je pensais inutile a un vrai intérêt. Peut-être que ce que je n’ai pas fait aujourd’hui va se retourner contre moi ». Elle va voir sa mère, lui dit « Mais toi à mon âge, qu’est ce que tu as fait ? Qu’est ce que tu fais pour le climat ? », et il commence à y a voir quelques frictions…

Ce spectacle est monté avec Opéra Junior. Est-ce que cette nouvelle génération est plus légitime à porter ce genre de création ?

Je trouve, oui. Je pensais qu’en montant ça, je me sentais légitime parce que j’ai mon point de vue, j’ai mon engagement, je pense aussi apporter ma pierre à l’édifice… Mais en lisant les quelques lignes que j’ai écrites pour le dossier de presse, je me rends compte que je fais partie de la génération d’Alice. Et je vois, avec mon fils qui n’a que trois ans et les parents que je côtoie, comment les enfants bousculent nos mauvaises habitudes… Je me dis que cette nouvelle génération, qui pour certains sont très jeunes, sont beaucoup plus à même de se poser des questions. Ils ont une façon de revendiquer beaucoup plus radicale que nous pouvions le faire à leur âge. D’ailleurs on le voit très bien aujourd’hui, c’est beaucoup plus subversif. Mais je ne me positionne pas, je n’ai pas envie que le spectacle soit moralisateur. Je retranscris un état de fait. Ce que j’ai vraiment envie de travailler, c’est cette relation mère-fille, cette petite histoire dans la grande histoire.

Ce sont des thématiques certes contemporaines, mais surtout très quotidiennes. Comment les transpose-t-on sur la scène d’un opéra, qui est l’antre de la tradition ?

Comme ce sont des adolescents de 2018, la librettiste Helen Eastman a voulu aussi y intégrer des mots de 2018. On évoque Fortnite, Instagram, Tiktok, on parle du président… c’est très contemporain. Et j’ai pris le parti de travailler sur une certaine forme d’onirisme. Pour vous expliquer, ce spectacle est ouvert aux public empêchés. C’est-à-dire que les personnes sourdes et malentendantes auront la possibilité de venir voir ce spectacle, ils auront des gilets vibrants et deux interprètes vont chansigner toute la représentation. J’ai pris le parti de me raconter que ces deux interprètes sont Alice et Juliette du futur. Comme si en 2022, même peut-être en 2030, ces deux personnes reconvoquaient leurs souvenirs de 2018 en se disant « Voilà, aujourd’hui j’en suis là ». Et rien que de convoquer le souvenir, ça me permet de travailler toute cette œuvre de façon presque lyrique, comme si le réalisme était un peu modifié, comme si tout à coup ce qui nous a le plus marqué se transforme en cauchemar… Comment on sort du réalisme pour aller vers de l’onirisme.

Il y a un mantra qui revient souvent : « Moins de paroles, plus d’actions ». C’est quelque chose que vous avez dû prendre en compte pour la conception de l’opéra ?

Bien sûr, on ne peut pas faire du spectacle vivant comme on le faisait autrefois, en occultant les problématiques écologiques. Thibault Sinay, le scénographe et costumier avec qui je travaille, est très engagé sur ces questions-là. On se rend compte qu’on ne peut pas aller vers une conception 100% vertueuse, mais on essaie de travailler sur la récupération, sur le local. Dans la conception du décor, on essaie d’éviter maintenant toutes les formes grandioses, opératiques, qu’on a l’habitude de connaître. On essaie de travailler sur des formats standards de matériaux qui permettent d’éviter les découpes, les pertes…

Cette proposition s’adresse-t-elle à un public quin’est pas habitué à l’opéra ?

C’est en tout cas un public qu’on essaie de toucher. En travaillant avec les interprètes d’Opéra Junior, je sais qu’on va s’adresser aux parents avant tout, aux familles qui ne sont peut-être pas des spectateurs et spectatrices récurrents de l’opéra. Déjà je réfléchis à faire un spectacle pouvant leur parler. Mais en n’oubliant pas le public traditionnel de l’opéra. Jérôme Pillement (directeur d’Opéra Junior, ndlr) est d’ailleurs très attentif à ça. Il faut aussi que, musicalement, ce soit une belle oeuvre. On y réfléchit fortement.

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Par Peter Avondo Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
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Issu du théâtre et du spectacle vivant, Peter Avondo collabore à la création du magazine Snobinart et se spécialise dans la critique de spectacle vivant. Il intègre en mars 2023 le Syndicat Professionnel de la Critique Théâtre Musique Danse. 06 22 65 94 17 / peter.avondo@snobinart.fr
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