Au premier abord, on aurait tendance à se méfier des expositions abordant les problématiques climatiques, écologiques, animales… C’est pourtant le thème on ne peut plus explicite du nouvel événement artistique à la Fondation Van Gogh. Intitulant son exposition Nature humaine – Humaine nature, l’organisme arlésien suit clairement une certaine tendance… L’objectif de cette mise en lumière est d’explorer « la complexité des interactions entre l’humain et la nature ». Nous pensons poursuivre nos déambulations artistiques à Arles dans une sorte de banalité. Pour résumer le sous-texte : l’humain est le méchant qui détruit la nature.
La Fondation poursuit en nous expliquant le lien qui est fait avec Vincent Van Gogh qui « a souvent évoqué dans son travail la nature et la possibilité d’une union avec elle. Sa vision panthéiste peut dès lors devenir un filtre à travers lequel considérer les œuvres contemporaines, afin d’appréhender les multiples contrastes ou affinités que les artistes d’aujourd’hui entretiennent vis-à-vis de l’héritage de Van Gogh. » Pourquoi pas après tout. C’est une manière d’aborder le sujet avec une certaine diversité dans le propos.
Heureusement, la qualité des œuvres présentées est indéniable. Dès le début, nous pénétrons dans l’exposition qui nous offre une certaine immersion, notamment grâce aux premières salles et aux sculptures de Valentin Carron et aux peintures de Gilles Aillaud. Finalement, Nature humaine – Humaine nature s’avère bien plus complexe et qualitative que notre réflexion initiale pouvait l’imaginer. La peur de la lassitude a laissé place à une nouvelle belle surprise artistique.
Lors d’une conférence intitulée Penser le présent qui s’est déroulée le 13 janvier 2022 aux Beaux-Arts de Paris, Nicolas Bourriaud décrivait la première fois qu’il a découvert des enjeux écologiques auprès des artistes en 1989 : « J’ai eu la chance de rencontrer assez vite un groupe d’artistes qui étaient issus de l’école des Beaux-Arts de Grenoble, il y avait Dominique Gonzalez-Foerster, Philippe Parreno, Bernard Joisten et Pierre Joseph avec quelques autres qui gravitaient autour (…) ces quatre jeunes artistes ont vraiment ouvert les yeux sur beaucoup de choses. Déjà ils ont créé une exposition sous le nom de Ozone, mais ce n’était pas un nom de groupe (…) c’était une mise en commun de projets, d’esthétique autour d’un thème qu’ils avaient choisi en commun et qui était à l’époque absolument nouveau. Personne ne parlait de la couche d’ozone et les préoccupations écologiques étaient tout à fait absentes du milieu de l’art. » Cela fait donc trois décennies que l’art s’est emparé des enjeux écologiques.
Pourquoi ? Pourquoi la question écologique est-elle omniprésente dans les productions des artistes contemporains ? Certainement parce que cette question écologique est au centre des débats sociaux, économiques et culturels. Elle ne cesse de s’imposer dans les débats pendant que dans le même temps la situation se détériore. La jeunesse s’est appropriée ces questionnements et s’aperçoit que les décisionnaires sont incapables de faire pencher la balance du côté de l’écologie. Il y a une perte de confiance évidente entre la jeunesse et les politiques qui a comme conséquence une action militante dans les créations des jeunes artistes. Lorsqu’on s’intéresse aux travaux des étudiants, on se rend compte que la nature, la défense animale, le réchauffement climatique et tous les autres sujets écologiques restent encore très présents dans la production. Poussés dans leur retranchement à la fois par la situation écologique qui ne cesse de se dégrader ainsi que par l’exigence des professeurs souvent sensibles à la cause, la jeunesse s’est emparée de ce sujet avec conviction tout en y apportant un regard frais, exigeant et des productions plus imaginatives.
Mais une action militante seule n’aurait aucun intérêt artistique. Cette redondance des expositions sur l’écologie ne serait critiquable uniquement si les œuvres évoquaient chez nous un sentiment de facilité et par découlement de la lassitude. Or, il n’en n’est rien. Les artistes parviennent à s’extirper du piège de la facilité en ne prenant pas l’écologie comme un thème, mais bien comme un questionnement au niveau de la forme.