« Un prince de Hombourg », Robert Cantarella comme dans un rêve

Pour cette pièce, créée en 2023 et accueillie au Théâtre des 13 vents à Montpellier, Robert Cantarella s’empare du texte de Kleist afin d’en proposer une adaptation singulière. Sans cesse sur un fil entre rêve et réalité, le metteur en scène confie le rôle-titre d’Un prince de Hombourg à son fidèle acolyte Nicolas Maury.

Peter Avondo
Peter Avondo  - Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
4 mn de lecture

Le prince de Hombourg est un rêveur hors pair. Étourdi par ses pensées lorsque lui sont dictés ses ordres avant la prochaine bataille, le jeune homme désobéit par inattention, menant l’assaut quand il aurait dû en attendre le signal. Mais à croire la peine de mort prononcée à son encontre suite à cet impair, il s’agissait sans doute de la rêverie de trop, celle qui a failli coûter la vie à son souverain. À partir de cet étonnant récit, Heinrich von Kleist développe une pluralité de registres qu’il entremêle les uns aux autres. Son écriture, rejointe dans cette adaptation par celle de Stéphane Bouquet, constitue ainsi une matière composite qui se dévoile scène par scène. Robert Cantarella en propose d’ailleurs une interprétation en écho, concevant sa mise en scène dans le surréalisme dont sont faits les rêves.

Il y a en effet de la précision de sens, dans la manière dont le metteur en scène aborde ce Prince de Hombourg. Alimenté par la scénographie de Sylvie Kleiber et les lumières de Philippe Gladieux, Robert Cantarella joue avec l’insaisissable et l’inconstant. De tableau en tableau, il déforme les perspectives et se méfie de l’habituation. Comme il plonge en premier lieu le public dans une identification à la première personne – via la vidéo d’Antoine Pirotte –, il poursuit son approche du plateau dans l’incertitude du vrai et du faux. Ainsi les repères des spectateurs, aussi troublés que ceux du prince, participent au doute qui subsiste au terme : tout cela est-il un rêve ?

© Anouk Maupu

Car même le théâtre qui se joue dans Un prince de Hombourg prend différents visages. Tantôt sensible et mesuré, il ne tarde pas à se confronter à la grandiloquence et l’exagération, quand ses rouages ne sont pas sciemment exhibés pour en rappeler l’artisanat et la contrefaçon. À travers cet agglomérat d’indices, la partition se révèle – en dépit de sa complexité – dans l’interprétation collégiale qui en est faite. La pièce, intrinsèquement instable, trouve effectivement son équilibre dans sa distribution et dans la vaste palette de jeu qu’elle déploie. Aussi les interprètes s’amusent-ils, avec une théâtralité assumée, des multiples degrés de lecture offerts par le texte.

Après tout, si la question du songe et de la vérité est régulièrement convoquée, Un prince de Hombourg interroge surtout, dans cette version retravaillée, un certain sens de l’art et de la poésie. Soudain, quand autour d’eux tous les repères s’estompent, les personnages trouvent dans les mots un ultime refuge. Or ce sont précisément ces mots, écrits ou prononcés, qui mènent au dénouement de l’affaire dont il est question. Alors quels que soient les artifices, les accessoires ou les costumes dont on se pare, l’essentiel est que le rêve puisse avoir lieu, y compris dans toute son étrangeté.


Un prince de Hombourg
Création 2023
Vu au Théâtre des 13 vents (Montpellier)

de Heinrich von Kleist / traduction, adaptation et écriture Stéphane Bouquet / mise en scène Robert Cantarella / avec : Nicolas Maury, Bénédicte Amsler Denogent, Johanna Korthals Altes, Robert Cantarella, Christian Geffroy Schittler, Jean-Louis Coulloc’h / scénographie : Sylvie Kleiber assistée de Maud Nguyen Huynh et Étienne Goussard / assistanat mise en scène : Anouk Werro, assistée de Brian Aubert / lumières : Philippe Gladieux / costumes : Constance de Corbière et Sandrine Rozier, assistées de Noémie Colin et Lucie Laporte / musiques : Alexandre Meyer / vidéo : Antoine Pirotte / régie générale : Soleiman Chauchat

Du 11 au 13 février 2025 : Théâtre des 13 vents (Montpellier)

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Par Peter Avondo Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
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Issu du théâtre et du spectacle vivant, Peter Avondo collabore à la création du magazine Snobinart et se spécialise dans la critique de spectacle vivant. Il intègre en mars 2023 le Syndicat Professionnel de la Critique Théâtre Musique Danse. 06 22 65 94 17 / peter.avondo@snobinart.fr
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