Le Musée Paul Valéry ne s’est jamais vraiment soucié des tendances qui peuvent parfois s’avérer discriminantes pour certaines pratiques, affirmant un attrait certain pour la peinture, notamment grâce au legs sétois de la Figuration Libre… L’artiste qui vient poser ses toiles sur les murs de l’institution culturelle des hauteurs de l’Île singulière a lui aussi plus ou moins hérité du mouvement, ayant suivi les cours d’un certain François Boisrond (qui a connu une rétrospective lui aussi dans le musée Sétois durant la deuxième partie de l’année 2022)…
Orsten Groom (de son vrai nom Simon Leibovitz) est la quintessence même de l’artiste promis à devenir l’un des plus importants de sa génération, étant déjà doté d’un parcours atypique digne des plus grands maîtres… Tout commence en 1982 avec sa naissance en Guyanne au sein d’une famille juive polono-lituanienne. À vingt ans, alors qu’il est étudiant aux Beaux-Arts de Paris, il est victime d’une rupture d’anévrisme qui le laisse amnésique et épileptique. Lors de sa convalescence, il apprend qu’il est peintre avant de réintégrer l’école. La galerie Daniel Templon qui le représente nous en dit plus sur les moments marquants de sa carrière : « En 2020, le Centre d’Art ACMCM (A Cent Mètres du Centre du Monde) à Perpignan, lui consacre sa toute première rétrospective. En 2021, il profite du siège instauré par le Covid pour ouvrir avec Olivier Kaeppelin le Cabinet CHROME DINETTE, un showroom privé clandestin à l’adresse parisienne secrète. SIEG MHUND KALUMNIATOR est sa première exposition à la galerie Templon. De juillet à novembre 2022, Le Suquet des Artistes à Cannes lui ouvre l’intégralité de son espace pour son nouveau projet « Limbe (le Vroi dans la Nuit) ».
C’est donc le Musée Paul Valéry à Sète qui lui offre une nouvelle rétrospective qui risque de bouleverser les visiteurs… Loin d’être un créateur classique, Orsten Groom est un artiste indépendant qui développe une œuvre protéiforme dans ses différentes pratiques (peinture, films, musique). Ne passez pas à la va-vite devant ses œuvres, vous risqueriez de manquer une rencontre. Au premier coup d’œil, le regardeur saisit tout de suite l’énergie de la couleur et des formes de ces toiles explosives. Les rouges, les jaunes, les noirs se déploient avec une grande puissance, limitant les espaces et pouvant ainsi créer une réticence chez les plus claustrophobes. En regardant de plus près la peinture d’Orsten Groom, il est saisissant de voir à quel point l’artiste s’inspire de toute l’histoire de la peinture tout en créant son propre langage. On y voit Lascaux, Caravage, Goya, Van Gogh, Munch, Pollock, Basquiat…. D’autres y décerneront des réflexions sur la grande histoire, le temps, les croyances, les religions, l’existence et sa fin, le langage, la philosophie, la psychanalyse, les arts, la sorcellerie,… Il faut sauter dans les peintures d’Orsten Groom comme on plonge dans des questionnements métaphysiques, chercher un détail, une transparence, un mouvement qui nous offrira une interprétation s’apparentant plus à des questionnements nouveaux qu’à une réponse véritable. C’est une peinture ultra référencée qui se libère de cette exogenèse pour laisser jaillir une autonomie infinie. Chaque coup d’œil est une découverte, chaque regard entrevoit douceur et violence dans un équilibre s’approchant de la perfection… Les sens et les émotions se confondent… La rigueur de la composition et la richesse qui s’exprime dans la toile créent un phénomène déroutant : la figuration devient abstraite et l’abstraction se métamorphose en figure. Tous ces facteurs offrent une impression de jamais vu, comme si la singularité de l’artiste affirmait que la nouveauté dans l’art et dans la peinture était encore possible. Ce langage neuf est un événement pour celui qui accepte de le recevoir. Un événement à la fois sombre et lumineux qui fascine. On ne peut qu’être captivé devant cet envoûtement poétique.
Vous l’aurez compris, découvrir les œuvres d’Orsten Groom s’apparente à une rencontre dont on ne sort pas indemne…