Montpellier célèbre Christian Jaccard en ce début d’année 2024. Deux expositions consacrées à son œuvre sont à découvrir au Musée Fabre (Christian Jaccard une collection jusqu’au 21 avril) et à la Galerie AL/MA (Christian Jaccard ignigraphies jusqu’au 3 février). Ces expositions sont l’occasion pour les visiteurs de découvrir la carrière unique de cet artiste attaché à Montpellier et à son territoire environnant.
Depuis son enfance, Christian Jaccard est passionné par le fossile et la question de l’empreinte, de la trace, de la marque… On comprend alors pourquoi il est souvent défini comme un artiste gravitant autour du mouvement Supports/Surfaces… Comme son ami Claude Viallat et les autres, il s’intéresse à la matérialité du support et à la matérialité de la peinture dans les années 1970 : « Il élabore ainsi dès cette époque un travail construit selon deux principaux axes : l’un, pictural, expérimente différentes techniques de combustion et leurs traces, souvent aléatoires, qu’elles laissent sur le support ; l’autre, davantage sculpturale, s’appuie sur l’accumulation de nœuds, autour de ce que l’artiste appelle le « concept supranodal » ». C’est avec cette double pratique, l’utilisation du feu comme matériau premier de création et le recouvrement d’objets par accumulation de nœuds, qu’il se fait connaître. Ces deux pratiques peuvent être en apparence opposées. Le nœud symbolisant le renforcement et la protection, alors que la combustion abîme, voir détruit. Mais comme le dit l’artiste dans un entretien avec Dominique Demartini : « les choses antinomiques ne sont pas forcément incohérentes… »
L’exposition au Musée Fabre compte plus de quarante œuvres (sculptures, dessins et un film) retraçant la carrière de l’artiste. Elle débute dans l’atrium Richier où l’on découvre les œuvres les plus imposantes de l’accrochage. On y trouve notamment l’immense Bâche blanche calcinée (1982), un Couple nœuds sauvages (2003), des outils de jardinage recouverts de nœuds avec Garden Party (1994) ou encore son installation Le Délassement du peintre de 2017 (en photo à la Une). Cette découverte avec l’œuvre de l’artiste permet au visiteur de découvrir la richesse de sa pratique avec des pièces s’approchant du spectaculaire. Ce caractère monumental et diversifié des créations montrées au rez-de-chaussée à de quoi attiser la curiosité, nous invitant ainsi à poursuivre l’exposition dans les salles supérieures. Nous y trouvons d’autres combustions, notamment des polyptyques qui révèlent ainsi l’obsession de l’artiste pour la répétition du geste et de la forme dans laquelle s’invite le hasard et dont il résulte une trace. Dans cette démarche, Christian Jaccard s’inscrit dans la lignée des artistes de son époque, notamment du Supports/Surfaces (Viallat…) ou d’autres (la combustion et l’accumulation chez Arman…).
Nous retrouvons également un polyptyque monumental (280 x 840 cm) à la Galerie AL/MA à l’occasion de l’exposition Christian Jaccard ignigraphies. Cet ensemble de 200 dessins indissociables a été réalisé en 2006-2007 et a été exposé en 2011 au Domaine de Kerguéhennec puis en 2012 à la Villa Tamaris (La Seyne-sur-mer) : « Réalisées avec une mèche lente sur papier A3, les traces de combustion laissent apparaître un dessin qui tend vers une symétrie impossible. Si chacun des gestes de Christian Jaccard est exercé avec rigueur, conceptualisé et contrôlé, il se confronte cependant aux incertitudes des traces accidentelles : l’artiste doit s’y adapter afin de les intégrer dans sa démarche ‒ le feu et sa fumée ne sont en rien des complices dociles. » Des traces que certains verront comme des cicatrices, d’autres comme des fossiles… A travers son œuvre et de l’expérimentation de la combustion et du tressage de nœuds, Christian Jaccard a développé une réflexion autour de la temporalité, du mouvement, sur la trace, le hasard, la protection mais également de la destruction… Des pièces qui invitent à des questionnements quasi infinis.