Les mots et la matière de Kenjiro Okazaki à la galerie frank elbaz

Jusqu'au 16 novembre, la galerie frank elbaz propose le deuxième solo show de Kenjiro Okazaki dans son espace rue de Turenne. Dans cette exposition intitulée "Mettere a nudo / Aeon Muttered" l'artiste japonais expose une nouvelle série de six grandes peintures ainsi que des petits formats issus de la série "Zéro".

Thibault Loucheux-Legendre
Thibault Loucheux-Legendre  - Rédacteur en chef / Critique d'art
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Kenjiro Okazaki est un artiste reconnu à l’international, ayant une notoriété incontestée dans son pays natal, le Japon, comme en témoigne sa prochaine rétrospective au Musée d’art contemporain de Tokyo (MOT) en avril prochain. Né en 1955 dans la capitale nippone, Kenjiro Okazaki est artiste, architecte et théoricien. Sa pratique de la critique et l’écriture de plusieurs ouvrages lui ont ouvert les portes de l’histoire de l’art au sens large, de la Renaissance aux pratiques contemporaines, avec une connaissance pointue des artistes qui ont participé à la construire. Du côté de ses créations, l’artiste ne se limite à aucun médium, pratiquant la peinture, la sculpture, la robotique, la conception de costumes et de décors, ou encore l’architecture.

Dans cette exposition intitulée Mettere a nudo / Aeon Muttered, Kenjiro Okazaki et la galerie frank elbaz présentent une nouvelle série de six grandes peintures ainsi que plusieurs petits formats de la série « Zéro ». Les grandes toiles sont présentes dans la salle principale. Elles sont chacune composées de plusieurs panneaux assemblés les uns aux autres, réalisant une seule et même pièce tout en assumant une certaine indépendance. L’artiste ne cache pas les jointures et accepte que les motifs picturaux s’épanouissent dans le cadre des panneaux, sans déborder sur son voisin, mais en créant une alchimie dans l’œuvre finale. Cette peinture foisonnante, composée d’acrylique mélangée à des gels et à des pigments de pastels, prend la forme de traces rendues translucide et donne une impression de matière colorée et gélatineuse. Elle évoque l’envie, la générosité et l’étonnement par sa construction singulière et par sa disposition sur la toile. Ces panneaux et ses formes sont à l’image des mots ou des phrases qui existent à la fois comme objets significatifs mais aussi par le choix d’une certaine composition par son auteur. Kenjiro Okazaki utilise ces formes abstraites et colorées pour son tableau, comme l’auteur va se servir des outils du langage et de l’écrit pour concevoir son poème. L’artiste a d’ailleurs rédigé des histoires à la place des titres de ses œuvres. Ainsi, une fois que le visiteur a apprécié la richesse formelle de l’œuvre, l’artiste le dirige vers la sémantique.

Dans la deuxième salle, Kenjiro Okazaki présente une nouvelle série de peintures intitulée Zéro. Comme nous l’explique le communiqué de presse : « Ambitieuses de par leurs échelles intimes qui semblent dépasser les limites de leurs cadres délicats, elles témoignent de l’intensité visuelle de sa pratique. L’expérimentation de formats plus petits par Okazaki joue un rôle essentiel dans sa pratique, les couches translucides de peinture flottant à la surface, comme un résidu d’un moment, un vestige de ce qui était immergé en profondeur. »

Toujours dans cette idée de briser la démarcation entre peinture / écriture et que la matière s’unit aux mots, la galerie frank elbaz a publié un livret en édition limitée qui est disponible à la galerie. A l’intérieur, il est possible de voir les reproductions des œuvres exposées qui sont accompagnées d’un texte du critique d’art Ryo Sawayama et d’un poème de la poétesse coréenne Kyongmi Park. Comme nous dit Ryo Sawayama dans le livret : « L’œuvre artistique de Kenjiro Okazaki expose une quête des principes fondamentaux au façonnage de la forme et de la création, dépassant les frontières des registres spécifiques. Il perçoit divers sujets—tels que la peinture, la sculpture, l’architecture et la littérature—comme interchangeables et transposables, tout en préservant leurs caractéristiques uniques. »

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Par Thibault Loucheux-Legendre Rédacteur en chef / Critique d'art
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Après avoir étudié l'histoire et le cinéma, Thibault Loucheux-Legendre a travaillé au sein de différentes rédactions avant de lancer Snobinart et de se spécialiser dans la critique d'art contemporain. Il est également l'auteur de plusieurs romans. 06 71 06 16 43 / thibault.loucheux@snobinart.fr
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