Le « chant triste » de Becquemin & Sagot à la H Gallery

La H Gallery présente Élégie, troisième exposition personnelle du duo d'artistes femmes Emmanuelle Becquemin et Stéphanie Sagot. Les plasticiennes s'emparent d'un sujet peu connu et pourtant préoccupant : les chutes d'oiseaux qui se multiplient à travers le monde.

Thibault Loucheux-Legendre
Thibault Loucheux-Legendre  - Rédacteur en chef / Critique d'art
3 mn de lecture

Le Duo Becquemin & Sagot a décidé d’intituler sa dernière exposition à la H Gallery « Élégie ». Quand on regarde la définition exacte de ce mot dans le dictionnaire voici ce qui en ressort : « Poème lyrique exprimant une plainte douloureuse, des sentiments mélancoliques. » « Élégie » vient du grec ancien « elegia », qui signifie « chant triste » et renvoie au « chant du deuil ». Un titre à la portée symbolique, quand on sait que l’exposition s’intéresse à l’espèce qui offre ses plus beaux chants à notre planète : les oiseaux.

L’exposition aurait également pu emprunter le titre d’une série télévisée bien connu des années 1980 : Les oiseaux se cachent pour mourir. Peu le savent, mais depuis une quinzaine d’années, les pluies d’oiseaux se multiplient à travers le monde. Ce phénomène écologique inquiétant est provoqué par nos sociétés de surconsommation et la pollution qu’elles génèrent, qu’elle soit sonore, lumineuse ou atmosphérique. Pour les artistes et la galerie, ce phénomène détient une portée symbolique en plus d’être une catastrophe pour la préservation des espèces : « Au fil des siècles et des cultures, les oiseaux ont inspiré mythes fondateurs, récits cosmogoniques et interprétations astrologiques. Messagers liminaires entre le monde terrestre et le monde céleste, leurs vols fascinent, leurs chants captivent. » Lorsque les oiseaux qui tombent, c’est aussi toute une poésie qui s’effondre…

L’art peut être là pour dénoncer, mais il est aussi là pour poétiser et réenchanter le monde. C’est avec une grande intelligence que les artistes ont donc choisi la douceur et la poésie pour aborder ce sujet grave de désenchantement. Le duo a décidé de s’emparer de ce thème en dessinant sur de grands lés de papiers verticaux différentes pluies d’oiseaux faisant référence à des récits mythologiques ou à des événements bien plus contemporains. Si les hirondelles, les étourneaux ou les moineaux semblent tomber, ils restent pourtant figés sur le papier, comme si Becquemin et Sagot les sauvaient de leur chute. Les couleurs sont douces et chantantes, les traits fragiles… et soudain la magie opère, transformant la ruine en envol de liberté, le trépas en immortalité.

Avec Élégie, Becquemin & Sagot poursuivent leur exploration des sujets environnementaux dans leur pratique artistique. En 2020, elles présentaient Road-Movie Cruise – Until The End of The World en dénonçant les conséquences environnementales des bateaux de croisières. Deux ans plus tard, elles pointaient du doigt la destruction des écosystèmes des océans et l’appropriation du ciel par de grandes entreprises avec leur exposition Cosmocène – A propos d’un orteil dans le smog.

Élégie
Becquemin & Sagot
H Gallery
Jusqu’au 1er mars 2025

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Par Thibault Loucheux-Legendre Rédacteur en chef / Critique d'art
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Après avoir étudié l'histoire et le cinéma, Thibault Loucheux-Legendre a travaillé au sein de différentes rédactions avant de lancer Snobinart et de se spécialiser dans la critique d'art contemporain. Il est également l'auteur de plusieurs romans. 06 71 06 16 43 / thibault.loucheux@snobinart.fr
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