Tu prenais l’industrie et l’usine comme sujets de tes premières toiles, des thèmes peu explorés dans la peinture contemporaine. Pourquoi ce choix ?
Quand je termine les Beaux-Arts, je me pose des questions ; Quoi peindre ? Quels sujets pour mes peintures ? Je n’avais pas envie de faire de la peinture pour faire de la peinture sur la peinture et en même temps je voulais un sujet qui questionne le médium, qui questionne la fabrication du tableau. Mon père travaillait dans l’industrie et j’avais fait des jobs d’été là-bas, donc, j’étais familier des matériaux industriels, des univers de production… Je me suis dit que ça pouvait être un enjeu parce que ça parle à la fois de la fabrication des objets et c’est un sujet assez peu représenté en peinture. J’avais l’impression qu’il y avait une espèce de lacune à cet endroit-là. J’étais aussi très impressionné par la figure de Courbet et j’avais fait une recherche sur Les Casseurs de pierres. C’est un tableau avec deux figures de manutentionnaires qui cassent des cailloux pour faire une route. Je pensais aller voir le tableau, mais j’ai découvert qu’il avait brûlé dans les bombardements de Dresde, donc je ne verrai jamais le tableau. C’est aussi comme un tableau manquant que j’ai peut-être essayé de combler. Tout ça a été un premier sujet, comme un sujet matriciel où la surface du tableau parlait de la fabrication ouvrière des produits qui entourent notre existence. C’est un sujet que j’ai développé durant plusieurs années, puis je me suis senti un peu emprisonné par deux questions. La première, c’est la question « du photographique », car je partais de photographies pour faire mes tableaux. La deuxième, c’était l’absence du sujet, de représentation du corps et de représentation des émotions, des sentiments humains. Pour parler du corps et des émotions, je devais m’échapper de ça en cherchant l’opposé d’une personne qui travaille dans une usine, donc des figures nues dans un paysage naturel où il n’y a pas d’éléments de construction. Ce sujet diamétralement opposé à ce que je faisais m’a permis de structurer le paysage avec des corps, de faire de l’architecture en faisant de la représentation humaine. C’est pour ça que cette représentation des corps est très peu réaliste, c’est parce que c’est une construction de tableaux à travers les corps qui véhiculent des émotions. Ces corps sont devenus très expressifs qui renvoient à ce qui est censuré dans l’espace de travail.
Contenu exclusif extrait de notre magazine.
Abonnez-vous pour lire les articles issus de notre dernier numéro, ou inscrivez-vous gratuitement pour accéder aux contenus exclusifs plus anciens.