La peinture est « Immortelle » au Mo.Co et au Mo.Co Panacée

Thibault Loucheux-Legendre
Thibault Loucheux-Legendre  - Rédacteur en chef / Critique d'art
5 mn de lecture

Tout commence il y a quelques années, lors du départ de Nicolas Bourriaud et de l’arrivée de Numa Hambursin. Les critiques pleuvent sur ce dernier, hardant défenseur de la figuration qui récupère depuis longtemps les étiquettes collées sur la peinture. Il faut dire que le changement est radical tant l’engagement des deux hommes pour l’art est aussi puissant qu’opposé. Pourtant, le nouveau directeur du Mo.Co prend tout le monde à contrepied en présentant pour sa première exposition d’été une monographie de Berlinde de Bruyckere, montrant ainsi un certain éclectisme dans sa sélection. Numa Hambursin nous disait l’année dernière : « J’ai l’impression que quand on voit Contre Nature ou Berlinde de Bruyckere (les expositions d’été 2022 du MoCo et de la Panacée ndlr.) on n’est pas sur quelque chose de classique par rapport à ce qu’on avait précédemment, on est même un petit peu dans le contraire. Dans la programmation qui est faite, on peut voir que pour moi il y a un souci de la forme qui existe, même si je ne nie pas du tout que l’art contemporain est aussi de la parole, un message… » C’est avec un certain dandysme et un goût pour l’audace que le nouveau directeur assume ses fonctions durant ces premiers mois. Certes, il y a l’audace, le contrepied… mais également le courage… le courage de ses convictions artistiques en réalisant l’exposition Immortelle consacrée à la jeune peinture figurative française. C’est d’ailleurs le mot que nous retiendrons de cette exposition : « courage ». Que cela soit pour Numa Hambursin, pour les commissaires d’exposition qui l’accompagnent Amélie Adamo (pour l’exposition au Mo.Co) et Anya Harrison (pour celle du Mo.Co. Panacée), mais aussi et surtout pour les artistes exposés. Isolés pendant des années, voici venu l’heure de l’union au Mo.Co.

Cette critique arrive un peu tard, mais il est des expositions qui doivent se voir, se revoir, s’apprécier, se digérer… Immortelle est l’une d’entre elles. Cette dernière se divise en deux parties. La première au MoCo avec les artistes nés dans les années 1970-80 et la deuxième au MoCo Panacée pour la plus jeune génération. En tout, ce sont 122 artistes et plus de 400 œuvres qui sont présentés. Nous découvrons donc ces artistes qui ont fait le choix de la peinture figurative dans un pays qui était hostile à leur pratique artistique. Dès les premiers jours, le milieu de l’art s’affole. Les premières critiques tombent, positives ou négatives. L’audace de la structure plaît, déplaît, mais surtout ne laisse pas indifférent. Des magazines nationaux comme Artpress ou Transfuge y consacrent plusieurs pages. Télérama va jusqu’à en faire sa Une…

Détail de « La Cure » d’Apolonia Sokol

Dire que cette exposition est une totale réussite serait mentir. Dire qu’elle est ratée aussi. Il n’est jamais sage de tomber dans l’excès. Certains ont émis des doutes sur la qualité de certaines œuvres, d’autres ont critiqué l’accrochage muséal chargé du MoCo… Peut-être, mais il se dégage un charme irrésistible de ces petits « couacs ». Il est impossible d’aimer toutes les œuvres présentes, mais il est captivant de découvrir dans la même structure un panorama aussi important de la jeune scène figurative française. Comment ne pas rester captivé devant les œuvres de Thomas Levy-Lasne, Nazanin Pouyandeh, Axel Pahlavi, Florence Obrecht, Katia Bourdarel, Stéphane Pencreac’h… ? Cette même génération, reniée en France, mais qui a permis à la nouvelle (représentée par des artistes de grand talent à la Panacée tels qu’Apolonia Sokol, Jean Claracq ou Gaëtan Vaguelsy) d’éclore et ainsi de s’exprimer librement. Peut-être que l’objectif de cette exposition n’était pas de mettre en lumière ces œuvres à travers un accrochage léché, mais bien de les faire vivre les unes avec les autres dans un espace pour provoquer émotion et éblouissement chez le spectateur. Pari incontestablement réussi pour le MoCo qui présente une exposition qui ne laisse pas indifférent la critique, mais aussi les visiteurs qui se déplacent en nombre. A l’heure où nous écrivons ces lignes, le MoCo a battu plusieurs records de fréquentation (pour le vernissage, dimanche de gratuité… Immortelle est une exposition qui restera longtemps dans les esprits.

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Par Thibault Loucheux-Legendre Rédacteur en chef / Critique d'art
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Après avoir étudié l'histoire et le cinéma, Thibault Loucheux-Legendre a travaillé au sein de différentes rédactions avant de lancer Snobinart et de se spécialiser dans la critique d'art contemporain. Il est également l'auteur de plusieurs romans. 06 71 06 16 43 / thibault.loucheux@snobinart.fr
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