Julien Berthier aime confronter ses œuvres à l’espace public. On se souvient notamment de sa pièce L’invisible présentée dans le bassin du Jardin des Tuileries à l’occasion de Paris + par Art Basel en 2023. Pour son exposition Passion potelet,c’est l’espace public qui s’invite dans les salles de la Galerie Vallois.
Julien Berthier est né à Besançon, il vit et travaille à Aubervilliers. Se définissant comme un héritier de l’art conceptuel, il ne se limite pas à un seul matériau, explorant différents médiums et pratiques selon les projets qu’il élabore. Dans cette exposition à la Galerie Vallois, il développe une passion pour les potelets de manière quasi obsessionnelle. Comme il l’explique dans une vidéo réalisée par la Galerie Vallois, « l’espace public est un espace rempli d’objets qu’on interrogeait assez peu. L’espace public est un espace d’art où j’aime terriblement faire des œuvres sans forcément qu’il y ait de cartel, ni de spot dessus. Qu’est-ce que c’est qu’une sculpture publique d’une certaine façon. Finalement, récupérer une situation et être capable de la transformer pour en faire autre chose. »
Les potelets font partie intégrante de notre paysage urbain depuis la fin du siècle dernier. Ils se ressemblent, sont construits avec des formes simples, se dressant à travers un tube surplombé par une boule. Ils sont utilisés pour empêcher le stationnement sur un trottoir, permettant à la fois aux piétons de passer et empêchant l’accès aux voitures. C’est un filtre, un guide inconscient qui est devenu presque invisible aux yeux de tous. Même les amoureux qui se tiennent la main préfèrent lever les bras plutôt que de briser ce lien tactile. Le couple est alors plus intéressé par cette action amusante que par l’objet en lui-même. C’est un élément du décor que chacun peut détourner, encore faut-il y prêter attention. Dans son texte de présentation de l’exposition, Samuel Gross y voit les pions d’un jeu de société : « Si la ville devait être un échiquier, ils seraient ses pions que nous ne faisons que regretter, nous les piètres joueurs d’échecs, quand la partie avance. Ils n’ont rien pour eux, si ce n’est leur cohésion de groupe. Leur espace est celui qui le lie avec les autres ou qui le lie à un élément architectural, un mur, une barrière, une palissade voire un arbre. »
A travers cette exposition et à l’omniprésence de cet objet ordinaire, on pense à l’ADN de la galerie qui soutient le Nouveau Réalisme depuis de nombreuses années. En malmenant le potelet à travers différentes pratiques (découpes, accumulation…) Julien Berthier serait, en quelque sorte, un nouveau réaliste de notre temps, offrant au potelet des éléments et une réflexion sur notre époque. Le potelet est arraché de sa fonction initiale et Julien Berthier utilise sa verticalité, sa rigidité pour inventer des formes et des fonctions nouvelles. Ils deviennent alors chargeurs de smartphone, ou s’érigent sur un livre ou un piano, transformant l’instrument en orgue…
Passion potelet
Julien Berthier
Galerie Vallois (Paris)
Jusqu’au 26 avril