La Divine Comédie de Kader Attia au Mo.Co

Jusqu'au 22 septembre, le Mo.Co accueille l'exposition Descente au paradis de Kader Attia, l'un des artistes français les plus présents à l'international. Il propose ici un voyage dantesque vertical et poétique autour des blessures du monde et de la réparation, thèmes omniprésents dans son œuvre depuis plus de deux décennies.

Thibault Loucheux-Legendre
Thibault Loucheux-Legendre  - Rédacteur en chef / Critique d'art
4 mn de lecture

Pour Descente au paradis, Kader Attia n’a pas souhaité présenter une rétrospective, préférant adapter ses œuvres à l’espace qui les accueille. En effet, l’architecture spécifique de l’Hôtel Montcalm oblige le Mo.Co a organiser un parcours vertical de haut en bas à chacune de ses expositions. Ainsi, l’artiste et le directeur de la structure Numa Hambursin ont imaginé un parcours divisé en trois parties, s’inspirant de la Divine Comédie de Dante Alighieri qui est découpée elle aussi en trois cantiques : Le premier étage est le purgatoire, le rez-de-chaussée l’enfer et le sous-sol le paradis.

Né à Dugny en Seine-Saint-Denis en 1970, Kader Attia a grandi dans un contexte multiculturel qui a nourri en profondeur sa pratique artistique débutée au début des années 1990, que ce soit sur le fond ou la forme. Ne se limitant à aucun médium (photographie, sculpture, installation, dessin, vidéo…), il parvient malgré tout à créer un langage singulier, abordant le déracinement, les blessures et la réparation. Il remporte en 2016 le Prix Marcel Duchamp et est aujourd’hui l’un des artistes français les plus présents sur la scène internationale.

Descente au paradis est une immersion, comme un dernier voyage segmenté en trois escales. Il est justement question du voyage lorsque nous débutons l’exposition sur les hauteurs du musée, au premier étage, avec le thème du purgatoire. La première salle présente une série de photographies de 2008 intitulée Rochers carrés sur lesquelles nous pouvons voir des jeunes gens regarder la Méditerranée sur des rochers. Des images qui évoquent l’imaginaire des protagonistes en quête d’identité, regardant une mer qui invite au voyage mais aussi à une réflexion sur un futur incertain. Déjà, les thèmes de Kader Attia sont présents. Nous découvrons une partie politique de l’œuvre de Kader Attia qui nous exprime une lutte veine de l’homme face à lui-même et à la lente destruction du monde. Des centaines de cannettes disposées en spirale révèlent le cercle vicieux des addictions, des pierres incrustées dans un grillage témoignent des oppositions de plus en plus présentes…

Les bustes de Kader Attia taillés dans le bois – Photo : Thibault Loucheux-Legendre / Snobinart

Le purgatoire aurait pu s’appeler « réparation » chez Kader Attia. Nous y sommes accueillis par une série de bustes de gueules cassés qui ont été taillés à la hache par l’artiste dans du bois brut. Nous poursuivons la visite avec des prothèses de jambes suspendues au plafond… Si la violence subsiste, le paradis se dévoile avec une grande beauté dès la transition entre les deux mondes avec une série de bâtons de pluie, chacun lié à un dispositif permettant de l’actionner et ainsi de prendre vie. L’œuvre engagée, explicite et politique de Kader Attia cache un élément central et pourtant visible de son œuvre : sa grande beauté. Chaque pièce est un oxymore entre thèmes coup-de-poing et esthétique poétique. D’une manière presque magique, la violence des propos du créateur se dévoile avec une tendresse lyrique. L’apparente simplicité des pièces, se rapprochant parfois des arts tribaux par leur esthétique, leurs matéraux, et leur disposition, greffe la spiritualité à la réflexion politique. 

Descente au paradis est une ascension à l’envers, une renaissance des profondeurs.

A découvrir jusqu’au 22 septembre au Mo.Co

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Par Thibault Loucheux-Legendre Rédacteur en chef / Critique d'art
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Après avoir étudié l'histoire et le cinéma, Thibault Loucheux-Legendre a travaillé au sein de différentes rédactions avant de lancer Snobinart et de se spécialiser dans la critique d'art contemporain. Il est également l'auteur de plusieurs romans. 06 71 06 16 43 / thibault.loucheux@snobinart.fr
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