Ils sont déjà là ! Les arts numériques, envahisseurs de musées

"Fait Machine" au Miam l’année dernière, la Biennale des imaginaires numériques à Aix / Marseille... Les arts numériques s’invitent de plus en plus dans les musées. Nous avons vu "Le futur est déjà là" au Grenier à sel, une proposition qui témoigne de l’espace grandissant du numérique dans l’art contemporain.

Thibault Loucheux-Legendre
Thibault Loucheux-Legendre  - Rédacteur en chef / Critique d'art
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Le futur est déjà là… voilà un titre qui touche à notre inconscient collectif et à cette image mentale construite depuis plusieurs décennies à travers la science-fiction dans la littérature et le cinéma. On pense aux Lois de la robotique d’Asimov, à Blade Runner, à Matrix… Bien que les ordinateurs et les robots soient présents dans notre existence depuis plusieurs décennies, c’est l’arrivée en trombe de l’intelligence artificielle et de ChatGPT qui a donné cette impression que le futur était déjà là, poussant beaucoup d’artistes et de structures artistiques grisés par cette nouveauté à s’emparer du sujet brûlant de l’IA, certainement par peur de prendre le train trop tard… Les opportunistes y ont vu un créneau et les projets fleurissaient un peu partout, sans véritable réflexion ni cohérence avec un discours artistique ressemblant plus à des discussions de comptoir qu’à une pensée pertinente sur le sujet. Après quelques mois, l’euphorie et la panique sont retombées. De la comptabilité à la médecine en passant par le démarchage commercial, chaque corps de métier s’est emparé du sujet pour découvrir comment l’IA pouvait être utile à chacun. La création ne fait pas exception et les arts numériques prennent de plus en plus de place dans les musées.

Après ces quelques mois de réflexion et l’arrivée concrète de l’IA dans nos vies, il était logique de voir les expositions pousser la réflexion un peu plus loin. Parmi elles, nous avons eu l’opportunité de découvrir Le futur est déjà là au Grenier à sel. Cette exposition s’inscrit comme le second volet de la trilogie « Symptômes du vivant » tout en étant associée à Chroniques, Biennale des Imaginaires numériques.

Si le piège de la réflexion en surface est évité et que l’exposition tend à nous pousser dans nos retranchements par sa richesse, on peut tout de même regretter que certaines pièces se rapprochent plus de l’analyse sociétale ou de la recherche scientifique que de la création artistique ou d’une réelle exploration matérielle dans leur discours. La pertinence de ces paroles n’est pas à remettre en question, mais on s’interroge tout de même sur cet accent mis sur des éléments accrocheurs par leur actualité ou des facteurs connus. On pense notamment aux œuvres pourtant saisissantes et brillantes formellement, de Donatien Aubert, dont la présentation relevait plus de la documentation alors que les pièces semblent exister par elles-mêmes. Mention spéciale pour Esmeralda Kosmatopoulos pour son impressionnante série de sculptures Fifteen pairs of mouths qui étudie la relation entre le corps de l’homme et les appareils technologiques.

Le futur est déjà là est aussi une exposition interactive et ludique, permettant aux visiteurs de tout âge d’apprivoiser l’art contemporain, les nouvelles technologies et de les penser. Si certaines pièces prennent vie, c’est la présence de l’homme qui les active, affirmant ainsi que le créateur reste maître. C’est l’homme qui actionne, touche, bouge… et seulement après, la machine réagit. On pense notamment à Dumb City,cette banane réalisée par Filipe Vilas-Boas qui s’affole lorsqu’on s’approche trop près, au bras robotique Humans Need Not to Count de Varvara & Mar qui compte les visiteurs, ou encore à Robot mon amour, Cyborg #15 et 16 qu’il faut caresser pour qu’il s’illumine.

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Par Thibault Loucheux-Legendre Rédacteur en chef / Critique d'art
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Après avoir étudié l'histoire et le cinéma, Thibault Loucheux-Legendre a travaillé au sein de différentes rédactions avant de lancer Snobinart et de se spécialiser dans la critique d'art contemporain. Il est également l'auteur de plusieurs romans. 06 71 06 16 43 / thibault.loucheux@snobinart.fr
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