Son nom ne vous dit peut-être rien, et pourtant… Germaine Richier est incontestablement l’une des plus grandes sculptrices du XXe siècle. D’un point de vue formel, on peut incontestablement la placer à la même table qu’Auguste Rodin, Alberto Giacometti, Constantin Brâncusi ou encore Pablo Picasso. Elle fut d’ailleurs la première femme à être exposée au Musée d’Art Moderne en 1956. La richesse et la cohérence de son œuvre font d’elle une artiste majeure et inclassable.
Germaine Richier est née en 1902 à Gans, elle grandit à Castelnau-le-Lez. Ses parents sont agriculteurs et elle se nourrit d’une jeunesse passée dans la garrigue au plus proche de la nature. C’est en regardant les sculptures du cloître Saint Trophime à Arles qu’elle a une révélation et qu’elle prend la décision de devenir artiste. En 1921 elle entre aux Beaux-Arts de Montpellier dirigés par Louis-Jacques Guigues, un ancien élève de Rodin. Cinq ans plus tard, elle monte à Paris et rencontre Antoine Bourdelle et devient son élève. Après avoir reçu un enseignement auprès des plus grands maîtres de la sculpture, Germaine Richier affirme son originalité en offrant à ses créations une véritable singularité née de son histoire, de ses rencontres, de son époque… Ainsi, elle marque l’histoire de l’art en devenant un pont entre Rodin et César.
D’abord exposée au Centre Pompidou, cette exposition retrace chronologiquement la vie artistique de cette artiste unique. De ses débuts (avec ses bustes ou Loretto de 1934), en passant par ses créations d’après-guerre (L’Ouragane de 1949) jusqu’à ses dernières œuvres (comme son Échiquier de 1959), il se dégage un côté instinctif au sens le plus noble du terme. Dès le premier coup d’œil, le visiteur découvre que ces œuvres délivrent une sensibilité extrême guidée par les influences et l’existence de l’artiste. De son enfance dans la garrigue, on retrouve une passion pour la nature avec l’importance des formes minérales, végétales, animales… La Seconde Guerre mondiale marque profondément son travail, ses sculptures étant empruntées des traces de constructions, comme les stigmates d’une époque synonymed’horreur et de violence… Deux œuvres expressionnistes réalisées juste après la guerre représentent cette époque tourmentée. Il s’agit de L’Orage et L’Ouragane, deux sculptures en bronze écorchées, déchiquetées, comme le symbole d’une humanité profondément blessée après plusieurs années de combats mondiaux. Ainsi, Germaine Richier crée un univers totalement original, inventant de nouvelles représentations de l’homme et de la femme. Ces nouvelles images humaines vont évoluer lorsque l’artiste va travailler autour de l’hybridation avec le monde animal et végétal. Fascinée par les insectes, Germaine Richier crée des personnages imaginaires comme La Mante religieuse (1946), L’Araignée (1946) ou La Sauterelle (1944). L’exposition dévoile au visiteur une sorte de cabinet de curiosités qui retranscrit l’atmosphère de l’atelier parisien de l’artiste situé au 36 rue de Chatillon, dans lequel il est possible de découvrir à la fois les outils de Germaine Richier, mais aussi les objets naturels de formes et matières diverses. Ce travail autour de l’hybridation va atteindre son paroxysme avec une sculpture sublime intitulée La Montagne (1956) dans laquelle la sculptrice mêle l’humain, l’animal et le végétal. L’écrivain Jean Paulhan voyait dans cette création « une image des origines de la création du monde dans laquelle l’humain n’est pas totalement séparé des formes de la nature ». Avec ce mélange des formes primitives, Germaine Richier crée sa propre mythologie, ces œuvres pouvant être vu comme les idoles de sa vision du monde. Ce caractère sacré est explicité avec une de ses créations majeures. En 1950, elle reçoit une commande d’un Christ pour l’église Notre- Dame-de-Toute-Grâce du Plateau d’Assy en Haute-Savoie. Une nouvelle fois, Germaine Richier conçoit une hybridation en unifiant le Christ avec sa croix. Cette œuvre est d’abord jugée blasphématoire et quitte l’église avant de revenir dans le chœur en 1969.
Durant la dernière décennie de son existence, Germaine Richier expérimente, notamment sur de nouveaux matériaux tels que la cire ou le plomb, tout en apportant de la couleur à ses œuvres. Elle meurt prématurément en 1959.
Cette rétrospective magistrale réalisée en collaboration entre le Centre Pompidou et le Musée Fabre offre au spectateur une scénographie brillante qui permet d’appréhender au mieux l’éblouissante carrière de la sculptrice. Germaine Richier fait partie de ces artistes qui sont parvenues à transformer leur pratique jusqu’à la sublimer.
