Ma rencontre avec Fred Kleinberg a été décisive au moment même où je suis en train de réaliser des recherches sur le renouveau de la peinture. J’ai eu la chance de le rencontrer à l’occasion du Mifac à Angoulême alors qu’il présentait Odyssée. Ce film coup-de-poing montrait son engagement et sa volonté de rendre compte par la peinture du phénomène migratoire que nous connaissons depuis plus de dix ans. Cette expérience devant la toile n’a pas laissé les spectateurs indifférents.
Nous avons beaucoup échangé à la fin du festival sur ce retour de la figuration mais aussi sur ses limites. Nous aurions pu parler des heures sur le quai de la gare d’Angoulême, mais l’arrivée du train a stoppé l’échange. Quelques jours plus tard, Fred m’a invité à découvrir ses séries dans un atelier. La conversation a repris de
plus belle et l’après-midi est passée en un claquement de doigts. La semaine d’après, nous nous sommes à nouveau revus au vernissage d’Axel Pahlavi à la H Gallery. Chacun de notre côté, nous avions réfléchi à nos discussions passées, apportant de nouvelles hypothèses à nos propos. J’aurais plaisir à échanger à nouveau avec lui, avec la certitude désormais que nous ne terminerons jamais cette conversation débutée à Angoulême et c’est tant mieux. Comme il le dit dans l’interview : « Je suis crois plus au chemin ».
Tu as commencé à peindre très jeune, est-ce que tu peux nous raconter ce parcours un peu atypique ?
Je suis rentré aux Beaux-Arts de Paris à quatorze ans. J’avais comme professeurs César et Alechinsky. Mais en parallèle de cette éducation classique, j’ai travaillé au début des années 1980 avec un groupe d’artistes, c’était une période où on peignait beaucoup autour de ce qu’on a appelé aujourd’hui l’art urbain, peut-être même le street art avant même l’invention du mot. C’est une période où la mixité des pratiques était monnaie courante, j’ai travaillé dans un atelier qui servait aussi de local de répétition pour des musiciens comme la Mano Négra ou les Négresses Vertes, ou Mano Solo avec qui j’ai eu une aventure artistique jusqu’à la fin de sa vie. Le peintre Vladimir Veličković, alors professeur de dessin aux Beaux-Arts de Paris avec qui je me lie d’amitié, me fait entrer dans une galerie pour ma première exposition, je dois avoir à peine seize ans. En parallèle, je collabore avec ce collectif d’artistes avec lequel j’ai des projets d’expositions, ça me conduit à exposer à New York, j’ai dix-huit ans. Ma vie d’artiste se déroule très naturellement. Finalement, je me suis peu posé de questions sur le métier, comment on l’apprend… tout s’est enchaîné, intuitivement. Les questions curatoriales des expositions, du travail professionnel, c’est venu par la suite avec la maturité, l’expérience…
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