Qu’il est agréable de découvrir de nouveaux artistes ! Présenter le travail de jeunes plasticiens, c’est le défi que s’est donné Marie-Caroline Allaire-Matte à la Galerie AL/MA. C’est en 2022 que la galeriste rencontre le travail d’Anna Jaccoud à Supervues dans l’Hôtel Burrhus à Vaison-la-Romaine. La jeune artiste présente alors des dessins topographiques réalisés avec une machine à écrire. Si la Marie-Caroline Allaire-Matte conserve une confiance et une affection particulière pour des artistes qu’elle suit depuis plusieurs années, elle n’en est pas moins observatrice des jeunes créateurs et décide d’inviter la plasticienne au salon Paréidolie à Marseille.
Il est justement question d’observation dans cette exposition. Depuis le début de ses études d’art à Montpellier (elle a obtenu son DNA au Mo.Co ESBA de Montpellier et est actuellement en dernière année aux Beaux-Arts de Paris dans l’atelier Bojan Sarcevic), Anna Jaccoud observe et questionne les lieux comme elle le dit dans ses notes de travail : « J’imagine les éléments architecturaux, les cloisons et leurs angles, comme des éléments organiques et intimes, à l’image des êtres humains qu’ils accueillent : 4 murs, 12 arêtes, 12 sommets et 12 angles, 1 plafond, 1 sol, 6 surfaces. Je distingue les éléments qui composent un espace en les autorisant à s’exprimer en tant qu’entités, pour en révéler l’enveloppe, qui ainsi se prolonge, mue, se déplace, se débloque, se détend, s’inverse et échappe à sa condition homogène, figée, cernée, uniforme : Les angles ne sont pas droits. »
L’origine de Décoincer réside dans l’espace de la galerie AL/MA. Anna Jaccoud nous invite à décloisonner notre regard pour chercher le sens du lieu. Pour arriver à ses fins, l’artiste conçoit des « coins », sculptures qui se caractérisent par un dos à 90°, assuré par trois équerres prouvant que l’angle est droit et se greffant en mur jusqu’à devenir son prolongement. Dans sa quête d’observatrice, Anna Jaccoud n’interroge pas uniquement les lieux, mais questionne aussi les matériaux. N’ayant pas de médium de prédilection (on ressent malgré tout un penchant pour le bois) la plasticienne saisit les matériaux qu’elle trouve, ici des chutes de médiums blancs trouvés à l’école des Beaux-Arts de Montpellier durant la préparation de son exposition en juillet et août. Anna Jaccoud est d’ailleurs membre fondatrice de la récuperathèque des Beaux-Arts de Paris intitulée la Glaneuse. Dans un esthétique identique, les visiteurs pourront découvrir un autre volume baptisé l’étendu « une sculpture suspendue, créé un espace dans l’espace, la corde y dessine une courbe, mettant en évidence le poids du module. »
Cette transfiguration des murs de la galerie se prolonge avec l’accrochage de dessins topographiques à la machine issus de plusieurs séries dont les nomes évoquent les différents process (Sondés, Pliés, Exquadrare, Enveloppes). Une nouvelle fois, la récupération est présente dans ce travail avec la réutilisation de papier sur lequel elle va imaginer un nouveau langage. Dans ces différentes séries, l’artiste explore la potentialité de la machine à écrire. Par la répétition où la puissance du geste, elle tente se substituer des contraintes de l’outil pour créer un rapprochement avec le papier. Perforage, pliage, marquage, accrochage… Anna Jaccoud transforme le matériau et l’espace pour leur donner une nouvelle nature.
