Comme une invitée dans l’antre de Dubuffet, Niki de Saint Phalle prend avec justesse sa place aux côtés des œuvres du maître des lieux. Proposé par la commissaire Sophie Duplaix, ce dialogue sonne comme une évidence et ce, dès le début du parcours qui met en regard paysage marbré de Jean Dubuffet et Danseurs (La fête) de Niki de Saint Phalle deux toiles qui marquent pour les artistes, le point de départ de leur envolée artistique.
Mais le contre-point le plus saisissant est sans doute dans l’appréhension du corps féminin, dans un souci de déconstruction des codes des beaux-arts, de la bienséance.
Avec Sang et feu pour Dubuffet et The White Goddess chez Niki, la femme est loin d’être sexualisée et devient même primitive, tant au niveau des courbes que dans les effets de matière. Car Dubuffet, dès les années 1940, invente un langage plastique brut, fait de terres, de goudrons, de sable, tant dis que Niki, dans les années 1960, pulvérise les conventions du féminin à travers ses « Tirs » et ses « Nanas », célébrations explosives de la vitalité et du désir. Les corps et la matière sont donc un liant puissant entre les deux artistes, d’où ils puisent leurs inspirations.
La matière se retrouve aussi dans leur approche du paysage. Chez l’un, le monde se reconstruit en pâte épaisse, en textures et reliefs. Chez l’autre, il s’invente en jardin utopique, en formes sensuelles et colorées. Tous deux rêvaient de bâtir des espaces totaux : Dubuffet avec son Coucou Bazar et ses Théâtres de Mémoire ; Niki avec son Jardin des Tarots en Toscane.
Cette exposition, organisée en partenariat avec la Niki Charitable Art Foundation (NCAF), a la force de l’évidence. Elle rappelle que l’histoire de l’art n’est pas linéaire mais faite de correspondances souterraines. À travers ce chassé-croisé, la Fondation Dubuffet offre enfin la rencontre que l’histoire n’avait pas permise, celle de deux créateurs qui, chacun à leur manière, ont fait exploser les frontières plastiques et psychiques.
Jean Dubuffet & Niki de Saint Phalle – Chassés croisés
Jusqu’au 13 février 2026
Fondation Dubuffet, Paris 6e
