« The Engine of Beasts », Emma Webster reconstruit la nature

The Engine of Beasts est la première exposition personnelle d'Emma Webster en France. Dans ce solo show à la Galerie Perrotin, l'artiste américaine invite le visiteur à découvrir ses toiles se situant dans un espace entre la fiction et la réalité.

Thibault Loucheux-Legendre
Thibault Loucheux-Legendre  - Rédacteur en chef / Critique d'art
4 mn de lecture

The Engine of Beasts est la troisième exposition d’Emma Webster avec Perrotin, la première à Paris. Née en 1989, l’artiste est diplômée de Stanford University (BA, 2011) et de Yale University où elle a obtenu un MFA en peinture en 2018. Malgré son jeune âge, elle a déjà été au centre de plusieurs solo shows à Los Angeles, New York, Seoul ou encore Tokyo. 

Avec The Engine of Beasts, Emma Webster s’inscrit dans la lignée des artistes ayant exploré la peinture animalière. Au premier coup d’œil, sa pratique semble classique, avec l’utilisation de la peinture à l’huile pour reproduire des animaux dans un milieu naturel… Naturel ? Vraiment ? Plus le tableau se dévoile à notre regard, plus l’évidence semble se brouiller… Comme nous l’explique la Galerie Perrotin : « Les tableaux sont le fruit d’une méthode hybride associant dessins et sculptures dans l’espace de l’écran. L’artiste construit tout d’abord les scènes en réalité virtuelle, puis elle les orne d’illuminations théâtrales, pour créer des panoramas naturels déformés, à forte dimension artificielle et dramatique. » En 2021, l’artiste avait publié Lonescape : Green, Painting, & Mourning Reality, un recueil de pensées sur le paysage et la création d’images dans un monde de plus en plus caractérisé par le numérique. En utilisant cette technique, Emma Webster crée un monde dans lequel homme et son empreinte sont absents, un monde qu’on ne connaît pas et qui brouille notre perception. L’utilisation de la réalité virtuelle et ses représentation sur la toile modifient notre réalité connue en un décor quasiment fantastique qui peut faire penser à un jeu vidéo. C’est une nature fictive qui passe en grande partie par une transformation de la lumière naturelle en artificielle, créant ainsi un paradoxe avec la nature omniprésente dans le motif.

L’absence de l’homme dans le cadre et l’utilisation de la réalité virtuelle dans la conception de l’œuvre place le spectateur en position d’unique regardeur troublé. Aux côtés de ces œuvres hybrides, d’autres comme CraftyBovine Skull, ou encore Great Poet! assument pleinement cette esthétique hors d’une certaine réalité, avec des figures réalisées avec un système de plaques, transmutant pleinement le corps de sujet.

Inutile de nier l’évidence, Emma Webster assume ici une sensibilité pour la cause animale que nos sociétés contemporaines de surconsommation détruisent à petit feu. Dans ses toiles, ce ne sont pas les animaux qui disparaissent, mais les hommes. Comme nous le dit l’historien de l’art Etienne Jollet dans le texte accompagnant l’exposition : « le paysage vide pourrait être interprété comme la représentation d’un monde d’avant ou d’après la catastrophe faisant disparaître les hommes de la surface du globe. Mais en-deçà même de cette conception catastrophiste, il y a juste le respect pour un monde désormais qui n’est plus anthropocentré. » L’artiste propose au spectateur une autre version du monde, une vision fictionnelle créant une barrière entre les animaux représentés et le spectateur. S’ils semblent s’épanouir dans le cadre, certains animaux regardent son extérieur, comme si un élément perturbateur pouvait menacer cette quiétude. 

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Par Thibault Loucheux-Legendre Rédacteur en chef / Critique d'art
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Après avoir étudié l'histoire et le cinéma, Thibault Loucheux-Legendre a travaillé au sein de différentes rédactions avant de lancer Snobinart et de se spécialiser dans la critique d'art contemporain. Il est également l'auteur de plusieurs romans. 06 71 06 16 43 / thibault.loucheux@snobinart.fr
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