La Contemporaine : une célébration de l’art à Nîmes

Nîmes se met à l'heure contemporaine ! Voilà une semaine que la triennale nîmoise s'est dévoilée à un public qui a répondu présent dès le début de l'événement (plus de 11 000 visiteurs le premier week-end). C'est une grande réussite pour la ville et pour le duo de directeurs artistiques Anna Labouze et Keimis Henni qui sont parvenus à impliquer les locaux dans ce projet culturel ambitieux.

Thibault Loucheux-Legendre
Thibault Loucheux-Legendre  - Rédacteur en chef / Critique d'art
8 mn de lecture

Cette triennale était dans le programme du maire de Nîmes Jean-Paul Fournier il y a quatre ans, la voilà désormais matérialisée dans toute la ville ! Portée avec détermination par l’adjointe à la culture Sophie Roulle, cette Contemporaine a pris forme au fur et à mesure des mois. C’est le duo de directeurs artistiques Anna Labouze et Keimis Henni qui a été chargé d’articuler cette triennale, apportant à l’événement une réflexion autour de la jeunesse, de la transmission intergénérationnelle et de l’héritage dans la création et la société actuelle. Logiquement, cette première édition arbore le nom de « Nouvelle Jeunesse » : « expression porteuse d’un double sens : elle évoque autant la nouvelle jeunesse d’aujourd’hui, celle de l’art et du monde, que le fait de vivre une nouvelle ou seconde jeunesse au contact de celle-ci ».

La cité nîmoise aussi vit une nouvelle jeunesse à travers cet événement. Cette ville chargée d’une histoire riche, fait le choix d’accueillir les créations contemporaines entre ses murs qui ont traversé les siècles. Le point de départ de cette « Nouvelle Jeunesse » est une grande exposition intitulée La Fleur et la Force qui se déploie sous la forme d’un parcours dans le centre-ville de Nîmes. Douze projets artistiques rassemblant un binôme intergénérationnel composé d’un artiste émergent et d’un artiste établi ou historique, ainsi qu’un public nîmois associé à sa création. On comprend alors les ambitions de la ville : placer la ville sur la carte de l’art contemporain et attiser la curiosité de ses habitants vers la discipline. À l’heure où les coupes budgétaires deviennent malheureusement habituelles dans le domaine de la culture, la réalisation de cet événement tourné vers la jeunesse prouve que certaines villes font encore le choix de la création artistique. D’autant que les premiers chiffres montrent que la Contemporaine se dirige vers une réussite éclatante avec plus de 11000 visiteurs réunis le premier week-end !

Secteur Gare

Cœur en flammes est une installation textile monumentale qui s’étend sur toute l’avenue Feuchères reliant la gare de Nîmes à l’Esplanade Charles de Gaulle. Réalisée par l’artiste et tisserande Delphine Dénéréaz et la poétesse, écrivaine et metteuse en scène Sonia Chiambretto, l’œuvre se déploie à travers « des bulles de conversation, des messages cryptés et divers symboles perchés à la manière d’étendards entre les platanes qui rendent compte de l’intimité, des préoccupations et des rêves de futur d’une jeunesse, lorsqu’elle regarde le ciel et s’autorise à inventer son langage ». Ce long poème est à lire dans son intégralité en partant de la gare et en remontant en direction de l’amphithéâtre. L’installation a été réalisée avec la participation de plusieurs élèves de 4e du Collège Feuchères qui ont guidé les artistes à travers leur langage. Ce Cœur en flammes prend vie lorsque l’on regarde vers le ciel. Ces messages colorés d’une grande vitalité sont synonymes de joie et d’espoir, s’inscrivant parfaitement dans la première édition de la Contemporaine de Nîmes et de son thème d’une nouvelle jeunesse.

Secteur Arènes

Quatre expositions sont à découvrir dans le secteur Arènes. Le Musée des Beaux Arts de Nîmes accueille l’une des plus belles réflexions de La Fleur et la Force avec un dialogue Neïla Czermak Ichti et Baya. La jeune peintre propose un nouvel ensemble de peintures et dessins aux côtés des d’une trentaine de gouache de l’artiste algérienne décédée en 1998. Les œuvres poétiques aux couleurs flamboyantes de Baya côtoient les représentations des chimères et combattantes de Neïla Czermak Ichti. Une réflexion autour de la femme qui a été réalisée avec les élèves d’école élémentaires de Nîmes. Au Musée de la Romanité, l’artiste et cinéaste Valentin Noujaïm fait de l’empereur Héliogabale protagoniste de son projet vidéo. Il est en binôme avec Ali Cherri, qui a réalisé trois costumes présents dans le film et qui sont exposés en miroir du dispositif vidéo en surplomb de la fosse de la Rue Romaine du Musée de la Romanité. Au Musée des Cultures Taurines, on découvre un ensemble de photographies iconiques de l’artiste américaine Judy Chicago ainsi qu’une installation vidéo d’Aïda Bruyère. N’oubliez pas de passer par le cinéma le Sémaphore où vous pourrez découvrir le film touchant de Rayane Mcirdi. Intitulée La Promesse, cette œuvre mêlant fiction et documentaire réinterprète un voyage familial d’été d’une famille vers l’Algérie.

Secteur Chapitre

Gisante (Amnios) (2022) de Jeanne Vicerial et « Peinture 166 x 230cm » (1980) de Pierre Soulages, exposition « Avant de voir le jour » au Musée du Vieux Nîmes – Photo : Thibault Loucheux-Legendre / Snobinart

Trois expositions sont à découvrir dans le secteur Chapitre. La première, Habiter la forêt, se déroule à la Chapelle des Jésuites, vous pourrez assister à la projection du film puissant et poétique de l’artiste et cinéaste June Balthazard qui met en scène des enfants ayant fait le choix de vivre en autonomie dans la forêt pour lutter contre la déforestation et l’inaction des adultes. En parallèle, plusieurs œuvres de Suzanne Husky rendent hommage à l’activisme écologique. La Place du Chapitre accueille une sculpture monumentale, Bee be mon manège, imaginée par les artistes Caroline Mesquita et Laure Prouvost. Enfin, incontestablement le duo magique de cette triennale nîmoise : Pierre Soulages et Jeanne Vicerial au Musée du Vieux Nîmes. Ce dialogue envoutant entre les sculptures textiles de la jeune artiste et les outrenoirs fascine par la poésie mystique que dégage la fusion de ses deux puissances créatrices. Si l’on ne présente plus Pierre Soulages et l’importance capitale qu’il a pu avoir dans l’histoire de l’art, il était peu commode d’imaginer les œuvres d’un autre artiste émergeant capable de se placer à côté d’une telle force. Pourtant, c’est incontestable, la magie opère. Les présences de Jeanne Vicerial s’imposent à défaut de s’opposer, créant une rencontre véritable avec l’outrenoir de Soulages. Cette synergie contemplative nous fait voyager dans un monde qui nous rapproche de l’exaltation

Secteur Carré

Grand habitué des expositions d’art contemporain à Nîmes, Carré d’art accueille pas moins de trois expositions. Alassan Diawara et Zineb Sebira présente un travail autour de la transmission familiale et culturelle (Alassan Diawara propose également un ensemble photographique à la gare de Nîmes). Hugo Laporte et Katja Novitskova propose Oracle Museum : « les fondations d’une institution muséale et archéologique d’un temps que nous ne connaissons pas encore, pourtant pas si éloigné du nôtre ». Enfin, la bibliothèque de la structure culturelle accueille Prune Phi qui présente ainsi un projet d’installation et de performance interactives. À ses côtés, SMITH a réalisé une série de signaux lumineux pour accompagner cette expérience.

Secteur Jardin

Enfin, Jardins de la Fontaine sont le théâtre de la dernière exposition de La Fleur et la Force avec une installation en bois monumentale intitulée Water Lines. Feda Warday et Tadashi Kawamata se sont associés pour réunir respectivement un aqueduc et une gouttière aérienne.

Partager cet article
Avatar photo
Par Thibault Loucheux-Legendre Rédacteur en chef / Critique d'art
Suivre :
Après avoir étudié l'histoire et le cinéma, Thibault Loucheux-Legendre a travaillé au sein de différentes rédactions avant de lancer Snobinart et de se spécialiser dans la critique d'art contemporain. Il est également l'auteur de plusieurs romans. 06 71 06 16 43 / thibault.loucheux@snobinart.fr
Laisser un commentaire

Abonnez-vous au magazine Snobinart !