Eloge du « mauvais goût » au Miam

Elle est certainement l’une des expositions les plus ambitieuses organisées par le Miam. BEAUBADUGLY souhaite réécrire l’histoire de la peinture contemporaine à travers les créations commerciales, considérées comme de mauvais goût. Une exposition kitsch et impertinente avec un parti pris jouissif.

Thibault Loucheux-Legendre
Thibault Loucheux-Legendre  - Rédacteur en chef / Critique d'art
4 mn de lecture

Une peinture qui se vend est-elle de mauvais goût ? C’est la question qui est posée au Miam avec l’exposition BEAUBADUGLY. On y trouve des artistes qui vendaient leurs œuvres dans les supermarchés ou donnaient des cours de peinture en direct à la télévision… Certains ont vu leurs œuvres exposées, mais la plupart les ont découvertes sur des cartes postales ou sur des posters. On y voit l’idéalisation du corps féminin, des paysages touristiques ou fantastiques… C’est autour de cette mythologie de la peinture populaire et marchande que Jean-Baptiste Carobolante a travaillé après avoir obtenu la première bourse du Miam financée en intégralité par la Fondation Antoine de Galbert et encadrée par l’INHA.

L’exposition se divise en deux parties. La première dite « historique », se situe au rez-de-chaussée et réunit des artistes comme Vladimir Tretchikoff, Bernard Buffet, Margaret Keane, Bob Ross… La deuxième partie, au premier étage, propose « des réponses conceptuelles, ironiques, potaches, admiratives, décalées, d’artistes contemporains de générations et d’origines diverses. Les trois-cents « croûtes » peintes au couteau, du très conceptuel Gabriele Di Matteo, toutes pareilles mais toutes différentes, feront le lien entre le rez-de- chaussée et le premier étage, entre l’histoire et le présent ».

Au-delà de l’humour omniprésent dans l’exposition, BEAUBADUGLY a l’ambition de raconter une « autre histoire de la peinture ». Ces artistes ne sont pas présents dans les livres d’histoire de l’art, mais ils ont tout de même connu une notoriété certaine, au point que certains d’entre-eux ont eu le privilège d’inspirer le cinéma. On se souvient notamment de Big Eyes de Tim Burton, qui racontait l’escroquerie subie par Margaret Keane ou encore plus récemment Paint de Brit McAdams dans lequel Owen Wilson prête ses traits à Bob Ross. Leurs peintures existent car ils sont parvenus à créer une mythologie autour de leur personnalité qui a touché un large public et parce qu’ils ont fait le choix de la vendre au plus grand nombre. Ils sont souvent même plus connus de la population générale que leurs contemporains artistes présents dans les livres d’histoire de l’art. Dans le dossier de presse, Jean-Baptiste Carobolante nous dit : « Ce qui nous intéressait dès le début avec Hervé Di Rosa, c’était de défricher un territoire artistique dénigré, voire complètement inconnu par une grande majorité du public, car considéré comme trop populaire, trop littéral, trop «kitsch», pour avoir le droit de s’insérer dans l’histoire de l’art canonique. Or, ces peintures que j’ai étudiées, et dont une grande partie figure dans l’exposition, ont marqué l’imaginaire occidental de façon décisive, devenant même pour une grande part du public la définition de ce qu’est la peinture ».

Nous devons l’avouer, il y a cette petite part en nous qui aime cette peinture, pas spécialement par goût, mais plus par nostalgie, un peu comme une musique plaisir coupable ou un film de série Z. Ces artistes sont touchants car leurs œuvres font partie de notre quotidien. Nous les croisons avant de les quitter, puis de les rencontrer à nouveau…

BEAUBADUGLY est certainement la meilleure exposition présentée au Miam ces dernières années.

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Par Thibault Loucheux-Legendre Rédacteur en chef / Critique d'art
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Après avoir étudié l'histoire et le cinéma, Thibault Loucheux-Legendre a travaillé au sein de différentes rédactions avant de lancer Snobinart et de se spécialiser dans la critique d'art contemporain. Il est également l'auteur de plusieurs romans. 06 71 06 16 43 / thibault.loucheux@snobinart.fr
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