Clara Rivault invoque le corps et la matière à la galerie Chantiers BoîteNoire

La galerie Chantiers BoîteNoire nous propose de découvrir le travail de Clara Rivault à travers l'exposition "Ronde-Bosse". Utilisant différents matériaux et pratiques, l'artiste explore la notion de corps tout en s'inspirant de l'antiquité pour créer des pièces d'une grande contemporanéité.

Thibault Loucheux-Legendre
Thibault Loucheux-Legendre  - Rédacteur en chef / Critique d'art
5 mn de lecture

Le vent est en train de tourner… Depuis quelques mois, il est difficile de théoriser un retour à des pratiques et sujets qui ont pourtant jalonné l’histoire de l’art. Nous vous parlions de la céramique l’année dernière, de la peinture plus récemment (dossier peinture dans notre numéro mai-juin 2023)… Nîmes a vu dans l’art contemporain une manière d’aborder son passé antique en montrant les créations de Léo Fourdrinier (au CACN) ou de d’Olivier Laric (exposition Mémoire Vive en ce moment au Musée de la Romanité)… La céramique, la peinture, l’antiquité, les religions… Depuis plusieurs décennies, ces pratiques et ces thèmes n’avaient plus vraiment le vent en poupe. On préférait oublier les pratiques ancestrales, l’histoire, l’iconographie, les symboles au profit d’un discours élaboré, moins universel que transposé dans une contemporanéité. Curieusement, l’impression que donne ce retour aux pratiques traditionnelles échappe à une temporalité visible, nous paraissant à la fois long et rapide. Ce qui est certain, c’est que la jeunesse s’empare de ces médiums pour raconter une nouvelle histoire.

Nous avons un nouveau témoignage de cette jeunesse audacieuse à la galerie Chantiers BoîteNoire de Christian Laune avec l’exposition Ronde-Bosse de Clara Rivault. L’artiste a été diplômée de l’école des Beaux-arts de Montpellier et de La Cambre à Bruxelles (dans l’atelier sculpture de l’artiste belge Johan Muyle) avant d’intégrer le laboratoire de recherche «La Céramique comme Expérience» dirigé par l’artiste Michel Paysant aux Beaux-arts de Limoges. Il est captivant de voir qu’il résulte de ce parcours une oeuvre hybride entre l’art contemporain tel qu’il s’épanouit en France depuis plusieurs décennies et un retour à ses formes classiques, voire primitives. En effet, l’artiste ne se limite pas à une discipline, bien au contraire. Sa création explore différentes pratiques et matériaux (performance, les arts du feu, artisanat…). Si certains peuvent parfois se perdre dans l’incohérence à vouloir « toucher à tout », la pluralité chez Clara Rivault est une richesse apportant une harmonie esthétique guidée par un travail autour du corps et des influences antiques et mythologiques.

Pénélope de Clara Rivault

Pour l’exposition Ronde-Bosse, Clara Rivault propose au visiteur de découvrir différentes pièces réalisées depuis 2016. En entrant dans la galerie, nous sommes attirés par une oeuvre éphémère produite sur un mur de la galerie à l’aide d’une technique performative de moulage au plâtre : « Les empreintes de son corps en contrainte prises à même le mur et de dos sont fragmentées, disloquées, démembrées, enfin figées. A la fois intime et étranger, familier et mystérieux, désirable et rebutant, le corps est l’objet de tous les tabous. Les pressions qu’il subit, celui de la femme, sont au cœur des préoccupations de Clara Rivault qui tente de les rejouer à l’aide de traductions technologiques et matériologiques singulières. » Avec cette pièce, l’artiste utilise son corps sous tension pour créer des formes, comme des empreintes de membres fossilisées. D’autres oeuvres utilisant le verre soufflé, les outils d’artisans et la céramique sont présentées. Mais les pièces les plus captivantes de l’exposition sont deux vitraux issus d’un triptyque Nausicaa, Pénélope et Circé. Ce projet a été imaginé par Clara Rivault lors de sa résidence artistique à Paxos. Durant ce mois, elle s’est intéressée à l’histoire et aux légendes locales, notamment L’Odyssée d’Homère et a ainsi analysé les trois figures féminines, Nausicca, Circé, et Pénélope : « Mon projet repose sur l’envie de révéler Nausicaa, Circé, et Pénélope, en mettant en avant leurs identités, leurs appartenances, leurs indépendances, leurs forces. La technique ancestrale du vitrail est utilisée afin de mettre en lumière ce triptyque. » Ces oeuvres touchent un aboutissement esthétique certain à travers une poésie translucide et nous semblent êtres les plus révélatrices du travail de Clara Rivault : le corps, l’influence antique (légendes, mythes…), l’intimité et l’utilisation d’un médium qui, historiquement, était fait pour raconter des histoires : « Au Moyen-âge, la vie quotidienne était retranscrite constituant une véritable « Bible du pauvre », il suffisait de lever les yeux pour lire une histoire. Le vitrail permet de toucher le plus grand nombre, tel un panneau publicitaire, ce sont des oculus, l’aurore pour Naussica, l’après-midi pour Penelope et Circé pour le clair-obscur. Ces trois « Tondi » sont des icônes féminines racontant des histoires où s’entremêlent mythologie et monde réel. »

Ronde-Bosse révèle une artiste de grand talent, dont nous ne manquerons pas de suivre le parcours. L’exposition est à découvrir jusqu’au 8 juillet.

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Par Thibault Loucheux-Legendre Rédacteur en chef / Critique d'art
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Après avoir étudié l'histoire et le cinéma, Thibault Loucheux-Legendre a travaillé au sein de différentes rédactions avant de lancer Snobinart et de se spécialiser dans la critique d'art contemporain. Il est également l'auteur de plusieurs romans. 06 71 06 16 43 / thibault.loucheux@snobinart.fr
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