À l’horizon 2024, un été culturel déjà sacrifié ?

C’est l’une des questions les plus chaudes de l’actualité culturelle. Depuis le 25 octobre, les organisateurs de festivals et de grands rendez-vous culturels estivaux se retrouvent impuissants face à un mastodonte qui se prépare dans notre pays : les Jeux Olympiques de 2024. De prise de parole en négociation unilatérale, c’est toute la dynamique culturelle qui est remise en question au profit de la tenue de l’événement sportif accueilli par la capitale.

Peter Avondo  - Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
5 mn de lecture
© Peter Avondo - Snobinart

Voilà deux jours que le monde de la culture se trouve (encore) ébranlé par des perspectives qui le mettent en danger. Depuis le 25 octobre dernier, les organisateurs et dirigeants des institutions culturelles sont sur le pied de guerre après une annonce du ministre de l’Intérieur qui a largement fait réagir l’écosystème culturel français. En cause, cette déclaration de Gérald Darmanin face au Sénat, dans laquelle le ministre envisage « le report ou l’annulation des grands événements culturels mobilisant de nombreuses forces de police et gendarmes ».

En guise d’explication, Gérald Darmanin rappelle que le dispositif de sécurité nécessaire autour des Jeux Olympiques de Paris 2024 est d’une ampleur sans précédent. Au total, ce sont 30 000 policiers et gendarmes qui seront mobilisés chaque jour durant l’événement sportif international, avec le renfort des unités de tout le territoire. Par voie de conséquence, et puisque les Olympiades sont le protagoniste (pour ne pas dire l’unique personnage d’intérêt) de cette histoire, tous les autres événements qui se dérouleraient simultanément ne passeraient donc qu’au second plan.

Seulement, nous connaissons notre époque et nous savons tous que, depuis 20 ans, la tenue d’événements publics, quels qu’ils soient, ne va pas sans un dispositif de sécurité adapté. C’est précisément là que le bât blesse. Car si la quasi-intégralité des forces de police et de gendarmerie est attendue sur les sites olympiques, c’est autant d’unités civiles et militaires qui ne pourront assurer le bon déroulement d’autres rendez-vous pourtant ancrés dans notre ADN, comme se plaît tant à le rappeler la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak.

Ces derniers jours, la ministre a d’ailleurs multiplié les rencontres et les échanges avec les responsables culturels afin d’imaginer des solutions. Mais à moins de deux ans des JO, et dans une conjoncture financière plus qu’instable, l’horizon reste particulièrement flou. Reports, annulations, efforts d’adaptation… Tout est encore sur la table, mais le sentiment qui domine reste le même depuis des années : c’est à nouveau à la culture de s’adapter au reste.


Pourtant, comme le rappelle Laurent Domingos (coprésident du Festival Off d’Avignon) à nos confrères des Inrockuptibles : « Le lien entre le sport et la culture devrait être célébré, or les propos du ministre de l’Intérieur vont dans le sens inverse et nous obligent à opposer les deux ». Même constat pour Stéphane Krasniewski, directeur des Suds à Arles, qui reconnaît en Rima Abdul-Malak « une ministre qui […] ne fuit pas ses responsabilités », mais dont les seuls mots ne suffisent pas à rassurer la profession.

La musique et le spectacle vivant à nouveau en ligne de mire, donc… À croire que toutes les excuses sont bonnes pour remettre en question notre richesse culturelle qui trouve en été un écho extraordinaire. Et si, pour l’heure, l’incertitude règne sur l’été 2024 et sur l’impact de ces Jeux Olympiques à l’échelle territoriale, chacun monte au créneau pour défendre une identité parallèle et complémentaire entre le sport et la culture, sans que l’un anéantisse l’autre.

Dans un communiqué publié hier, l’association des CNAREP (Centres nationaux des arts de la rue et de l’espace public) demande d’ailleurs expressément à ce que « l’organisation des Jeux Olympiques de 2024 ne se fasse pas aux dépens des moments phares de la vie artistique et culturelle estivale, vecteur de porosité, de diversité et de mixité ». Des valeurs pourtant défendues avec autant de conviction par la culture comme par le sport.

Reste à suivre l’évolution des discussions qui viendront dans les prochaines semaines. La confrontation, qui s’annonce longue et complexe, aura en tout cas le mérite de porter à nouveau sur la table du gouvernement des questions prioritaires. Le soutien de l’État et des collectivités publiques à des secteurs essentiels, qui semblaient depuis septembre retrouver un nouveau souffle, ne pourra plus être balayé sous le tapis en attendant la prochaine crise…

Peter Avondo

Issu du théâtre et du spectacle vivant, Peter Avondo collabore à la création du magazine Snobinart et se spécialise dans la critique de spectacle vivant. Il intègre en mars 2023 le Syndicat Professionnel de la Critique Théâtre Musique Danse.

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Par Peter Avondo Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
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